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des armes qu’on avait espéré trouver dans la législation de Mai.

Ainsi Bismarck justifiait-il le projet de loi : il déclarait l’avoir porté à la connaissance du Pape, sans promettre d’ailleurs de le modifier au gré de Rome.


Mon impression, affirmait-il, était que je trouverais chez le Pape Léon XIII plus de bienveillance et plus d’intérêt pour la consolidation de l’Empire et la prospérité de l’État prussien que je n’en ai trouvé parfois chez la majorité du Reichstag. Je tiens le Pape pour plus ami de l’Allemagne que le Centre. Le Pape est sage, modéré, ami de la paix, ni guelfe, ni polonais, ni progressiste, ni s’appuyant sur le socialisme. Il est libre, représente la libre Église catholique, le Centre représente l’Église catholique au service du parlementarisme et de la manipulation électorale. Je ne veux pas me trouver en face du parti Centre sans avoir donné d’abord aux catholiques prussiens l’assurance que je suis d’accord avec le Pape, l’autorité la plus haute de leur confession.


Sa décision, donc, était bien nette : il voulait que le vote final qui aurait lieu fût considéré, d’avance, par le Pape, comme un vote satisfaisant. Il expliquait, enfin, ce qu’il réclamait des Seigneurs et quelle liberté, d’autre part, il leur laissait. Il avait spontanément, sans exiger, en retour, aucunes concessions du Pape, déposé un projet ; on avait parlé, depuis lors, de concessions réciproques possibles, à la suite desquelles le projet pourrait être enrichi et amendé. Il demandait aux Seigneurs d’accepter au moins ce projet-là : le refuser, disait-il, est impossible. Il les priait par surcroit de ne pas s’obstiner à dire que, puisque tel était le projet, ils repousseraient tous les amendemens ; tout au contraire, insistait-il, il est tout à fait nécessaire au gouvernement d’entendre, sur ces amendemens, les opinions, avant de prendre lui-même sa décision. C’était une façon, discrète encore, d’obtenir un sourire des Seigneurs pour les amendemens Kopp. Il répétait, en finissant, qu’en tout temps il avait été dans ses intentions de réviser un jour les lois de Mai ; et que, si Rome et Berlin négociaient à cet égard, ce serait avec loyauté, sincérité et confiance.

Il redit quelques mots en réponse à une remarque de Kleist-Retzow. Il laissa voir que son rêve était d’obtenir, pour le projet, les voix des conservateurs, des nationaux-libéraux et des conservateurs libres ; c’est avec ces trois partis, on se le rappelle, qu’il avait mené le Culturkampf ; c’est avec eux, encore, que l’impérieux et souple chancelier prétendait y mettre un terme ; on