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esprits à comprendre que les réparations dues à l’Eglise étaient, pour ces besoins, le remède nécessaire. Il ne donnait pas un cours de droit canon sur les prérogatives légitimes de l’Eglise, il parlait en homme d’État, qu’au fond de lui l’homme d’Église éclairait ; il disait, avec le ton d’un pair de Prusse, ce que, comme évêque, il avait à faire savoir ; et l’on comprenait que ce qu’il y avait, dans son discours, d’assurances et de promesses étaient, en quelque mesure, des messages de l’Église.

On fut un peu surpris, dans certains milieux catholiques, de cette originalité d’accent ; on devait bientôt s’y habituer, et l’admirer. Les nationaux-libéraux sentirent tout de suite le péril. Beseler repoussa tout le projet ; Miquel, plus modéré, déclara qu’il ne voulait réviser les lois que du jour où le Pape aurait, sans réserve, d’une façon effective et définitive, donné les ordres pour qu’à l’avenir les noms des curés fussent présentés à l’État. Le conservateur Kleist-Retzow, au contraire, était content de tout, et du projet, et des amendemens.

Puis Bismarck se leva. Il ne voulait pas dire, encore, qu’il acceptait les amendemens : il déclara, par deux fois, qu’il ne prenait pas la parole comme ministre. Il la prenait, et il la gardait longtemps, comme membre de la Chambre des Seigneurs : la précaution oratoire était ingénieuse, artificielle même, et laissait à Bismarck toute liberté pour le geste qu’il allait faire. « Les lois de Mai, proclama-t-il, ne sont nullement un palladium intangible de l’État prussien ; ce sont les progressistes qui font courir une telle idée, parce que, dans le conflit entre l’État et l’Église, ils sont le tertius gaudens. Si le Pape nous menaçait d’une armée de Français, ou d’une armée de Polonais, il pourrait être question de point d’honneur. » Mais silence aux progressistes ! Bismarck avait toujours observé que, dès qu’il avait raison, ces hommes-là l’attaquaient. Que voulait son roi ? C’était l’essentiel. Son roi voulait se rapprocher de ses sujets catholiques, — non pas leur rendre justice, car Bismarck refusait d’admettre qu’on leur eût jamais dénié justice, — mais leur tendre la main, pour la réconciliation. L’obstacle, c’étaient les lois de Mai : Bismarck retrouvait certains textes, dans ses discours de 1873 et 1875, pour rappeler qu’à aucun moment il n’avait considéré le Culturkampf comme une institution permanente, les lois de combat comme une base durable. Les manœuvres des partis (il visait ici le Centre et les progressistes) ayant