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nouvelle par une de ces drôleries qui n’ont pas besoin d’être parfaitement justifiées pour faire fortune, surtout dans un Parlement où les plus pauvres plaisanteries sont accueillies avec transport. « Ce n’est pas, a-t-il dit, un projet sérieux, ce n’est qu’une potion calmante ! »

Le débat s’est un peu animé quand il a été question des députés irlandais qui continueront à siéger dans le parlement de Westminster. Lorsque M. Joseph Chamberlain a lu, dans sa retraite de Higbury, le compte rendu de cette séance, le vieil athlète unioniste a du sourire en apprenant qu’une phrase, jetée par lui dans le débat de 1886, avait déterminé, sur ce point, les décisions du gouvernement actuel. Qu’avait-il dit ? Convaincu, comme on l’a vu plus haut, que le principal mobile de Gladstone et des gladstoniens, en donnant le Home Rule à l’Irlande, était de se débarrasser d’elle à Westminster, il s’était complu à taquiner le gouvernement en soutenant cette proposition qui, du reste, est rigoureusement vraie : « Si vous excluez les Irlandais du parlement impérial, la séparation est complète et, en ce cas, le parlement de Dublin est un parlement souverain. » Mais M. Chamberlain aura un peu de peine à croire que cet axiome constitutionnel ait pesé plus lourd dans l’esprit de Gladstone en 1893 et de M. Asquith en 1912 que la nécessité quotidienne de la majorité à obtenir, qui est une question de vie ou de mort pour un Cabinet.


VI

La discussion du budget irlandais a été, de beaucoup, la partie la plus intéressante du débat.

Les critiques des nationalistes indépendans, et le silence, non moins expressif, des nationalistes unifiés ont laissé voir que l’Irlande était peu satisfaite des arrangemens pris pour elle. Pendant que les unionistes attaquaient de front ce même budget, un groupe de libéraux d’une certaine importance le prenait en flanc d’une façon assez gênante. Avec l’outrecuidance souriante qui lui est habituelle, M. Lloyd George a glorifié ce budget à la conception duquel il n’est, sans doute, pas étranger. M. Herbert Samuel, qui est, décidément, un homme de sens et de valeur, a été plus modeste, mais plus convaincant. Dans un discours simple et substantiel, qui le désigne comme un ministre des