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a été accueillie par l’opinion. L’éloquence dépensée pour la combattre par les orateurs de l’opposition, pendant l’été de 1912, n’a pu réussir à soulever dans le pays rien qui ressemble à l’explosion passionnée de 1886. Mais, tandis qu’à cette époque l’Ulster était resté calme, cette fois il s’est furieusement agité. Ce n’est plus le colonel Saunderson qui commande la petite phalange des unionistes irlandais dans le Parlement ; c’est un avocat plein de ressources, d’ardeur et de talent, sir Edward Carson, qui est aujourd’hui un des orateurs les plus redoutables de l’opposition à Westminster. Est-ce à ce tempérament militant qu’il faut attribuer l’attitude résolue et menaçante de l’Irlande protestante ? Sous cette crainte, légèrement chimérique, d’une persécution religieuse que les gens de l’Ulster mettent en avant et inscrivent, pour ainsi dire, sur leur bannière, ne se cache-t-il pas une inquiétude plus réelle qui touche à des intérêts commerciaux de première importance ? Une vieille rivalité existe entre Dublin et Belfast et il est assez raisonnable de supposer que Dublin, ayant en main le pouvoir, en profitera pour frapper sa rivale et accaparer, s’il est possible, la grande prospérité maritime de Belfast. C’est ce qui explique la sympathie ouvertement manifestée par Liverpool et Glasgow que tant d’intérêts attachent à la métropole du Nord de l’Irlande.

Donc, l’Ulster était en fièvre, et cette fièvre avait atteint sa température maxima lorsque M. Winston Churchill parut à Belfast, un rameau d’olivier à la main. Le ministre de l’Intérieur a plus de courage que de tact et plus d’éloquence que d’à-propos ; il lui arrive de mal mesurer ses paroles et de mal choisir son moment. Ses intentions conciliantes ont été accueillies à Belfast par des huées, des sifflets et des volées de pierres. Quelques jours avant sa venue, une rixe formidable, née on ne sait comment, sur un champ de cricket, avait couché par terre une soixantaine de blessés. Après son départ, les gens de l’Ulster s’engagèrent à ne jamais subir l’autorité de Dublin et ils s’unirent, dans ce dessein, par un solennel covenant : mot redoutable, plein de souvenirs historiques qui sont autant de menaces et qui parlent au cœur de ces populations, restées Écossaises de mœurs et de sentimens.

M. Churchill est alors allé trouver ses électeurs de Dundee, qui l’ont recueilli lorsqu’il perdit son siège à Manchester et il leur a ouvert des perspectives inattendues. Il leur a fait un