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majorité des Gladstoniens (on les désignait ainsi et l’on avait bien raison, car ce nom magique, cette personnalité dominatrice était le lien, l’unité, la raison d’être du parti), la majorité des Gladstoniens se serait changée en une faible et impuissante minorité, s’ils avaient, par aventure, perdu l’alliance de leurs amis au delà du canal Saint-Georges.

Aussi, à peine installés sur les banquettes ministérielles à droite du speaker, les nouveaux ministres ne perdirent-ils pas de temps pour présenter la constitution irlandaise, revue et corrigée. Le vieil homme d’État, sous prétexte de rendre hommage à certaines critiques, de faire droit à certaines objections, avait enrichi son premier projet de nouvelles chinoiseries. L’Irlande serait heureuse, sans doute, d’apprendre qu’elle possédait deux Chambres ; que l’une s’appelait le Conseil et l’autre l’Assemblée ; que la première comptait 48 membres et l’autre 103. Des Lords élus à vie, il n’était plus question. Les membres du Conseil devaient leur caractère aristocratique au système censitaire, qui présidait à leur élection et qui faisait d’eux les représentans de la classe aisée, de la classe capitaliste et propriétaire. Le Conseil et l’Assemblée devaient délibérer et voter séparément. Mais, au cas où la Chambre haute refuserait d’acquiescer à une loi qui aurait passé dans la Chambre basse, après un certain délai, les deux corps se réuniraient et voteraient en commun. La question était finalement résolue à la majorité simple. C’était, on le voit, laisser le dernier mot à la démocratie.

La différence la plus sensible entre le bill de 1886 et celui de 1893 était due à une pensée qu’il est difficile de croire tout à fait désintéressée. Tandis que, d’après la constitution primitive, l’Irlande cessait d’être représentée à Westminster, sauf dans les cas où il deviendrait nécessaire de modifier cette constitution, elle devait, conformément au texte de 1893, envoyer quatre-vingts députés à la Chambre des Communes. Seulement, — c’est ici que la fantaisie constituante de Gladstone s’était donné libre cours, — ces députés n’avaient pas le droit de prendre part à toutes les délibérations. A certaines heures, Gladstone les invitait à aller prendre l’air dans Palace Yard. « On vous rappellera, messieurs, quand on aura besoin de vous. » A la manière d’un Scribe ou d’un Sardou, il avait préparé et ménagé les entrées et les sorties de l’Irlande sur le théâtre de la politique.

Il s’était également complu à remanier les attributions financières