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et y remplit tous ses devoirs avec une intelligence sérieuse et avec grâce. L’année dernière, M. le Président de la République a fait à la reine Wilhelmine et à la Hollande une première visite pour leur apporter le témoignage des sentimens de la France à leur égard : c’est cette visite que la Reine lui a rendue ces jours derniers. Comment Paris ne lui aurait-il pas souhaité la bienvenue avec ce surcroît de sympathie et de respect qu’il devait éprouver pour une jeune femme qui est un modèle de toutes les vertus publiques et privées ?

Au surplus, s’il avait pu hésiter un moment à exprimer ces sentimens, les premières paroles de la Reine n’auraient pas manqué de l’y encourager. Le toast qu’elle a prononcé au Palais de l’Elysée, en réponse à celui de M. le Président de la République, a tranché sur la banalité qu’ont parfois ces manifestations d’éloquence protocolaire. La Reine s’est souvenue, avec un à-propos qui venait de son cœur et qui est allé droit au nôtre, des lointaines origines de sa famille. « Je suis fière, a-t-elle dit, du sang français qui coule dans mes veines et que le nom de ma race se rattache à la France. » Les noms d’Orange et de Coligny, du fond des siècles révolus, revenaient à sa pensée et à la nôtre comme un souvenir de famille que le temps n’a pas altéré, qu’il a plutôt consacré et qu’il a adouci en le dépouillant des événemens tragiques au milieu desquels il s’est formé. La Reine est allée déposer des gerbes de fleurs au pied du monument qui a été élevé à la mémoire de l’amiral de Coligny près de l’endroit où il a été massacré. À ces violences d’autrefois a succédé une tolérance d’autant plus précieuse qu’elle a été plus chèrement achetée. Rien ne rapproche plus que des souvenirs communs, et la Reine a paru se sentir très près de nous. On nous affirme que les paroles qu’elle a dites sont bien d’elle : elle les a écrites de sa main comme étant l’expression de sa pensée personnelle, sincère et profonde, et nous en avons été doublement touchés. Son séjour en France s’est terminé par une revue militaire à laquelle elle a pris un intérêt qu’elle s’est plu à manifester par de nobles paroles. « Avant tout, a-t-elle dit en s’adressant à M. le Président de la République, je désire vous témoigner mon admiration pour le magnifique spectacle qui m’a été offert aujourd’hui. Je suis particulièrement charmée d’avoir pu en personne me rendre compte de la superbe tenue des troupes, de leur prestance, de l’ordre et de la discipline dont elles ont fait preuve dans leurs mouvemens. C’est là une armée dont la France doit être fière. Elle doit voir en elle le plus sûr gardien de sa gloire et de son honneur. « Ce langage de la Reine, son attitude accueillante et gracieuse pendant les