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tenir compte de ce mouvement de sympathie populaire qui, plus encore que les contradictions des témoins du procès, avait déterminé lord Liverpool à retirer le bill proclamant la déchéance de l’ancienne princesse de Galles. Non pas, en vérité, que la plupart des historiens susdits aient positivement reconnu l’adultère de Caroline avec le courrier Pergami : ils se sont bornés simplement à soutenir qu’un doute planait sur l’innocence de l’accusée, et qu’en tout cas celle-ci, durant son séjour à l’étranger, n’avait pas conservé l’attitude qui seyait à son rang. Après quoi les uns l’ont crue un peu folle, victime des dures épreuves qu’elle avait eu à subir depuis son mariage ; tandis que d’autres nous l’ont représentée comme une créature foncièrement vicieuse et déséquilibrée.


Aussi peut-on dire que la vie et le caractère de Caroline de Brunswick ont constitué pour nous, jusqu’ici, un de ces problèmes historiques qui finissent par piquer, tôt ou tard, la curiosité des chercheurs : sans compter que la récente publication de l’acte de mariage du prince de Galles avec Mme Fitzherbert nous prouve assez que nulle raison de convenance ne s’oppose plus, désormais, à l’examen le plus impartial de problèmes de cet ordre. Tout le monde, d’ailleurs, et depuis longtemps, est d’accord sur la médiocre qualité morale du mari de Caroline ; et je ne crois pas qu’il y ait aujourd’hui un seul historien anglais qui refuse d’approuver le sévère jugement prononcé naguère par Thackeray sur le « premier gentleman de l’Europe. » Incontestablement, le prince de Galles a eu des torts très graves vis-à-vis de sa femme. Il a eu tort de la choisir dans les conditions que j’ai dites, et de lui donner sa maîtresse pour dame d’honneur, et de l’accueillir avec une froideur mêlée de mépris. Mais sa femme a-t-elle eu également des torts envers lui ? En a-t-elle eu dès les premiers temps du mariage, au moment où le prince de Galles a signifié à ses parens qu’il entendait ne plus jamais la rencontrer sur son chemin ? Et plus tard, lorsqu’elle s’est mise à courir le monde en compagnie du « baron » Pergami, dans quelle mesure a-t-elle manqué à ses devoirs de princesse et d’épouse ? Tandis que sa propre fille et le mari de celle-ci, le futur Léopold Ier de Belgique, et plusieurs membres de la famille royale d’Angleterre, et avec eux des hommes d’une bonne foi évidente tels que Denman et Brougham. lord Holland et Thackeray, l’ont toujours proclamée absolument innocente, jusqu’à quel point devons-nous admettre la condamnation portée contre elle par d’autres juges non moins autorisés ? Autant de questions auxquelles vient enfin de