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Or, dans ce couvent, — ce qui m’étonne un peu, puisque c’est un couvent de femmes et qu’il ne nous est pas donné comme étant un hôpital, et il y a ici quelque obscurité, mais il n’importe, — on soigne un cancéreux qui en est aux dernières heures. Ce malade, c’est précisément Maxime Lozet, ce frère du mari de Madeleine, de qui je vous-ai parlé. A son chevet, Madeleine retrouve son mari. Elle est prête pour le pardon. Les regards du mourant le lui demandent et le lui imposent... Vous connaissez déjà le dénouement.

Le roman est touchant et pathétique. Il ne contient à vrai dire qu’une biographie morale, celle de Madeleine ; mais elle est très bien vue et très bien conduite. Nul moment de cette biographie où l’on ne se sente en pleine vérité. Des points qui restent obscurs agacent un peu la curiosité légitime du lecteur : jusqu’où les choses ont-elles été entre le docteur Lozet et Mme Levrat ? Il serait utile de le savoir, même au point de vue de l’étude du caractère de Madeleine, surtout à ce point de vue, pour que l’on sût sur quoi porte son pardon et la grandeur du sacrifice qu’elle fait en l’accordant. Mais, tout compte fait, nous sommes ici en présence d’une œuvre de sincérité, d’attention scrupuleuse, de perspicacité et qui s’élève avec simplicité à une singulière hauteur morale.

Il ne me sera pas défendu de rappeler, à propos de cet ouvrage, que le meilleur roman de Mme Jacques Morian est Une passion, livre où l’égoïsme sincère, ingénu, candide, cordial, stupéfait d’être appelé par son nom et proprement effroyable, que l’homme apporte quelquefois dans les relations amoureuses, est peint avec une puissance tranquille que je n’ai peut-être jamais vue nulle part à ce degré.


EMILE FAGUET.