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l’affirment. M. de Régnier semble le croire. De là son second dénouement, qui ne laisse pas d’être vraisemblable.


Le Tournant, de Mme Jacques Morian, est un roman écrit avec soin et une étude assez forte de psychologie religieuse.

En bref, c’est l’histoire d’une jeune femme ramenée à Dieu par le malheur et à son mari par Dieu. Il n’y a rien de plus édifiant et il n’y a rien de plus exactement vrai. Mme Jacques Morian a le sens très juste des évolutions d’âme.

Madeleine, fille d’un libre penseur, ou plutôt d’un homme qui craignait pour les jeunes filles les mauvais effets possibles de l’exaltation religieuse, n’avait plus, quand elle s’est mariée avec le docteur Lozet, qu’une foi très tiède et comme lointaine. Le docteur Lozet était, lui, franchement matérialiste et, ayant sur sa femme, qui l’aimait profondément, une très grande influence, il l’avait presque absolument détachée de tout souvenir religieux. Mme Lozet est restée charitable, directrice ou adhérente de dix sociétés de bienfaisance ; mais elle ne pratique plus et ne croit plus.

Sept ans se sont écoulés depuis son mariage. Son mari commence à se déranger de plusieurs manières. D’une part, il est saisi par l’ambition politique et, d’autre part, il est très sensible aux attraits de Mme Levrat, femme qui a un salon politique et une influence assez grande dans le monde des politiciens. Mme Lozet s’aperçoit, ce dont elle ne s’était jamais avisée jusqu’alors, et ce qui, du reste, en somme, n’était pas, qu’elle est violente. Elle entreprend son mari, sur ses infidélités, de toutes les façons les plus susceptibles de compliquer toutes les affaires au lieu de les aplanir ; elle use de tous les procédés qui peuvent lui aliéner son mari au lieu de le ramener à elle.

Il n’est pas précisément violent, lui, mais il est irritable et orgueilleux. Je crois que jamais le mot bien connu, un peu bête, « je suis le maître, » ne lui échappe ; mais il est, pour ainsi dire, sous toutes les paroles qu’il prononce et derrière tous les gestes et même dans tous les gestes qu’il fait. En dernier lieu, il prétend imposer à sa femme de recevoir, en un dîner qui a un caractère quasi officiel, la femme que Madeleine croit obstinément être sa maîtresse. C’en est trop pour Mme Lozet