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Par exemple, voyant qu’une petite fille, dont la mère, abandonnée de son mari, vit avec un ouvrier du pays, meurt de ce spectacle qu’elle a sous les yeux et de ce qu’elle en entend dire, elle détache l’ouvrier, Jacquet, de sa compagne, Phrosine. Il en résulte que Phrosine devient son ennemie mortelle, accusant son amant d’être épris de l’institutrice (ce qui est vrai, du reste) et l’institutrice d’être une voleuse d’amour, ce qui est tout à fait faux. La petite fille étant morte. Mlle Davidée ne détourne pas ses petites camarades de prier pour elle, et les conduit à l’église, son paroissien sous le bras, et a un entretien de cinquante secondes avec le desservant. Donc elle est dénoncée comme cléricale par sa directrice, qui n’est pas une mauvaise personne, mais qui n’aime pas ceux qui se compromettent et n’aime pas à être compromise. Et de là visite d’un inspecteur primaire, lequel est admirable de vérité et est une des figures les plus vivantes et les plus divertissantes, — en vérité il est épique, il est digne de Balzac, — que j’aie jamais rencontrées dans un roman.

Et Davidée Birot réussit encore à aider son ennemie Phrosine, délaissée par son amant, à retrouver son mari, à retrouver son fils, ce qui ne fait point que Phrosine lui pardonne ; mais ce qui fait plutôt, — telles sont, vous le savez, certaines natures, — que Phrosine lui en veut plus que jamais. Enfin, l’orage administratif se dissipe de par l’influence du père de Davidée qui est personnage important et même redoutable du « bloc ; » et Jacquet, qui, pour délaisser Phrosine, s’était éloigné du pays, y revient, rencontre Phrosine, lui signifie qu’il ne reprendra pas la vie commune et demande à Davidée la permission de demeurer dans le pays. Elle l’aime ; elle lui accorde cette permission. C’est fini.

— Mais non ; que fera Phrosine ?

— Il est évident que ce roman aura une suite que je prévois singulièrement pathétique et peut-être affreuse ; mais pour le moment, l’auteur s’est arrêté là

Cet épisode, car je ne considère cette histoire que comme un épisode, est très beau. On est légèrement désobligé de l’amour de Davidée pour Jacquet : il aurait fallu, pour le faire accepter, rendre Jacquet plus beau qu’il ne l’est ; mais il faut remarquer, ce que je n’ai pas eu le temps de vous dire, que Jacquet, dans une grève, a été injustement molesté, frappé, blessé par ses camarades, que Jacquet est, par conséquent, victime de l’injustice, comme Davidée ; et que c’est ce qui donne raison de l’amour qu’elle a