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admirateurs, plus obscurs, travaillent sans bruit à lui élever le seul monument qui soit digne de lui : le monument de sa véridique histoire. C’est de ceux-là que je voudrais parler ici, dire ce qu’ils ont fait, et ce qui leur reste à faire.


I

Personne, — et j’espère, ce disant, ne surprendre aucun lecteur, — n’a jamais mieux parlé d’un grand écrivain que cet écrivain lui-même, si réservé, si maladroit ou si méfiant qu’il ait été. Aucune étude faite du dehors, pour perspicace qu’elle soit, ne saurait valoir le témoignage intégral qu’il s’est rendu à lui-même, plus ou moins consciemment, volontairement et diffusément, je veux dire le texte complet, exact et scrupuleux de son œuvre. Ce témoignage manque encore à Jean-Jacques. Depuis près de cent ans, la Collection complète de ses œuvres ne s’est ni grossie ni améliorée. Brunetière avait accepté, voilà quelque trente ans, de diriger une édition nouvelle : il semble bien avoir reculé devant les difficultés de la tâche. Elles sont nombreuses, comme on va voir ; mais il est grand dommage qu’elles aient rebuté cet admirable travailleur, et qu’elles aient découragé jusqu’ici tous ceux qui auraient été tentés de prendre sa place. Ouvrez aujourd’hui encore le recueil le plus récent des Œuvres dites complètes de J. J. Rousseau ; vous n’y trouverez qu’un texte très incomplet et très insuffisant ; on y chercherait vainement, par exemple, des pages aussi curieuses que Le Nouveau Dédale, aussi essentielles que le Morceau allégorique sur la Révélation ; et il serait impossible d’y démêler ce qui appartient, dans chaque œuvre, à l’édition originale et à l’édition posthume de 1782. Les Confessions sont, sans aucun doute, un document privilégié pour connaître Jean-Jacques, sa vie et son caractère ; mais il en existe plusieurs rédactions[1] ; le texte définitif comprend

  1. Cf., dans le tome IV des Annales J.-J. Rousseau, la première rédaction des Confessions (Livres I-IV), publiée par M. Th. Dufour.