Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/876

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
COMMENT CONNAÎTRE JEAN-JACQUES ?
A L’OCCASION DU
DEUXIÈME CENTENAIRE DE SA NAISSANCE

« Oui, je ne crains point de le dire, écrivait Rousseau à l’archevêque de Paris ; s’il existait en Europe un seul gouvernement éclairé, un gouvernement dont les vues fussent vraiment utiles et saines, il eût rendu des honneurs publics à l’auteur d’Emile, il lui eût élevé des statues. » Les mânes de Rousseau doivent sentir une grande paix : les statues ne lui sont plus refusées aujourd’hui ; elles lui manqueront moins que jamais en cette année du bi-centenaire. Ce n’est pas seulement le Panthéon qui va le présenter dans sa gloire officielle à l’admiration de la foule : il n’est si petit bourg où il ait passé quelques heures de son incertaine existence, qui ne se sente travaillé du désir honorable de le camper en bronze ou en marbre sur la place publique. Cependant que, devant ces statues neuves, les représentans d’un « gouvernement éclairé, » et aussi les représentans du peuple, des ministres, des députés, des présidens de comité, des conseillers municipaux, — qui s’attardent peut-être plus volontiers sur les premières pages des Confessions que sur le Gouvernement de Pologne, — célèbrent abondamment Jean-Jacques, en formules générales, d’une inexactitude souvent éloquente[1], d’autres

  1. Ce n’est point que je veuille médire de ces fêtes publiques, et presque civiques. Elles sont bien dans l’esprit de Rousseau, et conformes, en dépit de leur faste, à l’idéal de la Lettre à d’Alembert. Il convient d’ajouter, d’ailleurs, que le deuxième centenaire nous aura valu d’autres manifestations, plus discrètes et plus savantes, où se retrouve pourtant le même désir d’honorer Jean-Jacques et d’affirmer la vitalité de son influence. L’École des Hautes Études sociales a organisé cet hiver une série de dix conférences sur Rousseau par quelques-uns des plus éminens rousseauistes de France et de l’étranger ; et la Revue de Métaphysique et de Morale vient de lui consacrer un numéro spécial, où des historiens de la philosophie ont fait voir, sous ses divers aspects, les tenans et aboutissans de sa pensée philosophique. À ces hommages collectifs il faut joindre les contributions individuelles : les Portraits de Rousseau, par M. Buffenoir, les cinq volumes de M. Faguet, dont trois ont déjà paru, le Rousseau raconté par les Gazettes de son temps de M. P. -P. Plan, et La Parenté de Rousseau en 1912, par M. E. Ritter.