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le mari, etc. Une année de vie claustrale ajoutée aux mois qui ont précédé la venue de l’enfant, c’est dur. Impossible de sortir !... Et mon mari ? Sortira-t-il sans moi ? Il ne sortira que trop !... Or, on a, de nos jours, des biberons scientifiques et du lait scientifiquement stérilisé.

L’oncle a écouté Françoise. Il a peut-être murmuré :

— Quelle époque !...

Mais, lorsque Françoise a parlé de son mari, l’oncle fut un peu rêveur...

— Votre conclusion ? demande alors Françoise.

La conclusion ! Modeste et tempérée. Energique pourtant, et puis conciliante. Commencez, Françoise, d’allaiter votre nouveau-né ; en lui refusant votre lait, dans les premiers jours et dans les premières semaines, quand sa petite existence est pareille encore à la flamme débile d’une bougie qu’on vient d’allumer, vous diminueriez ses chances, vous commettriez un acte criminel... Françoise, déjà, se récrie... Ensuite, Françoise, au bout de quelque temps, reprenez votre liberté, si elle vous tente ; votre enfant sera de force à vivre de fait scientifique.

L’oncle ajoute, à part lui : — Si votre liberté ne vous tente pas, cédez à l’instinct vénérable des mères et à la joie quotidienne de voir, qui se développe, le petit être qui est de vous quotidiennement.

L’enfant de Françoise grandit et arrive à l’âge amusant. Envoyez-le à la campagne !...

— Me séparer de mon enfant ? Jamais !...

C’est indispensable, pourtant. N’appelons pas « campagne » ces plages ou bien ces villes d’eaux, succursales de Paris, où l’on passe le temps des vacances. M. Marcel Prévost réclame, pour les bambins, la véritable vie rurale, la vie du jeune paysan. Pourquoi ? Parce que l’air de la campagne est sain ; parce que la campagne est toute pleine de liberté ; enfin, parce que « le soleil, les plantes et les bêtes sont les accessoires de la vie d’un petit enfant. » Mais oui : les choses de la ville sont les prouesses d’une savante industrie, avec laquelle un enfant n’a rien à faire. Et voyez seulement les jouets qu’on lui donne : il ne les comprend pas. On les a faits pour lui ; on se figure qu’on les a faits pour lui : avant de les adopter, il les désorganise, il les simplifie, il les réduit à leurs élémens. Tous les élémens de tous les jouets sont à la campagne, et tous les élémens de toutes