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s’est gardé d’avouer davantage : le stratagème de la dialectique, Françoise n’avait pas à le connaître.

Le livre est délicieux par le souci qu’a eu M, Marcel Prévost de convaincre sa lectrice. Il a veillé sans cesse à ne la point effaroucher par de trop vives remontrances. Il a prodigué les grâces de son esprit pour la retenir : et il lui a écrit comme on parle à une jeune femme, avec la peur qu’elle s’en aille ou, vite, pense à autre chose. Il a multiplié les anecdotes autour des préceptes, comme on divertit un enfant qui doit manger une soupe substantielle. Il a organisé des histoires qui, de cette pédagogie, font un roman : le roman se terminera par un mariage. A la faveur de tout cela, Françoise aura entendu maintes vérités très utiles.

M. Marcel Prévost s’adresse à elle sur un ton d’amitié ravissante. Il aime Françoise, qu’il a inventée. Il s’est déclaré l’oncle de Françoise ; il peut ainsi la traiter quasi paternellement et puis, en outre, avec un sentiment de tendresse à peu près indéfinissable, respectueuse et telle cependant que la jeunesse et la fraîche élégance de Françoise y comptent. Il est familier avec elle ; et il a des secrets avec elle : mais il ménage sa gracieuse susceptibilité. Il serait désolé de lui déplaire. Il accepte ses confidences ; mais il ne les sollicite pas. Il les recueille, sans avoir l’air bien curieux ; il les étudie et, de toutes façons, il tâche d’être, jour après jour, au courant de Françoise afin de lui dire ce dont elle a besoin, de le lui dire comme elle a besoin de l’écouter. Fin manège du cœur et de l’intelligence !

Il importait de s’être ainsi concilié Françoise, pour la diriger avec une juste minutie. M. Marcel Prévost ne lui épargne aucune leçon et il ne craint de lui donner aucun des conseils qui dès l’abord la séduiront le moins. Il entre dans tout le détail de la maison qui abrite la nouvelle couvée. Françoise va-t-elle le trouver indiscret ? Pas du tout : il sait si bien la prendre. Va-t-elle se révolter ? Non : il adoucit trop gentiment la rigueur des lois qu’il impose.

Mais il y a, dans son règlement, des articles sur lesquels il ne barguigne pas. Françoise devra les accepter.

Françoise a consenti à être mère. Il faut donc la féliciter. Maintenant, allaitez, Françoise, votre enfant.

— Si j’avais su ! songe Françoise.

Pour éluder un tel ennui, elle a des argumens : le monde,