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sans lien d’aucune sorte, peuvent s’en disperser et nous être arrachés.

Economiquement et politiquement, notre Afrique méditerranéenne, outre sa valeur propre, a une valeur déposition : elle est, elle a toujours été, le seuil, la porte nécessaire et habituelle d’entrée et de sortie de toute l’Afrique Intérieure. Nous avons consacré trente années de propagande à cet important sujet et nous en avons fait l’objet d’un ouvrage étendu où nous démontrons l’extrême facilité, le très bas prix et les immenses résultats de la construction de chemins de fer transsahariens[1]. Nous ne pouvons que rappeler ici en quelques lignes cette œuvre impériale qui doit être mise au premier rang parmi nos projets coloniaux.

Elle est d’autant plus urgente que nous avons un pressant besoin de troupes noires pour l’occupation de nos colonies nord-africaines, afin de ne pas recourir, d’une façon qui compromettrait notre sécurité en Europe, au contingent métropolitain. Les troupes noires ne peuvent être transportées économiquement et sûrement que par un chemin de fer. Le prolongement de la ligne ferrée de Colomb Béchar au Niger n’atteindrait que 1 900 kilomètres environ ; à voie étroite, la voie africaine par excellence, la seule que connaissent et que pratiquent les Anglo-Saxons, la dépense, en ce pays presque plat et sans obstacles naturels, ne peut être évaluée à plus de 80 000 francs le kilomètre ; il n’en coûterait donc que 150 millions environ, représentant une annuité de 4 millions et demi pour l’intérêt et l’amortissement. L’Etat, une fois cette ligne établie, économiserait facilement 1 million sur Ie transport des troupes noires ; les 700 kilomètres de la ligne actuellement en exploitation d’Arzew à Colomb Béchar profiteraient, du chef de ce prolongement, d’un trafic nouveau qui laisserait au moins 1 million de recettes nettes. On voit que cette ligne impériale de 1 900 kilomètres imposerait à l’Etat français, dans les circonstances les plus fâcheuses, tout au plus une charge de 4 millions à 4 millions et demi par an. Il faut ajouter que la vallée du Niger, fleuve presque comparable au Nil, offre les plus splendides « possibilités » à la colonisation prochaine.

L’idée d’un chemin de fer à travers le Sahara a trouvé, il y a quelques mois, un propagandiste important en la personne de

  1. Voyez notre ouvrage le Sahara, le Soudan et les Chemins de fer transsahariens. Paris, Alcan, 1904.