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non soumises à l’autorité effective du Sultan et comprenant bien près des trois quarts du territoire marocain.

Si la France parvenait, d’ici à quelques années, à prendre fermement possession de la totalité du territoire makhzen, zone espagnole déduite, soit de 100 000 kilomètres carrés, dont elle occupe déjà 60 000, ce serait un succès notable, mais très insuffisant ; car il faut au moins que, dans un délai assez bref, nous exécutions la jonction du Maroc avec l’Algérie, en occupant la route de Fez à la Moulouïa qui passe par Taza : or, cette route se trouve en plein pays siba, qui n’a jamais été soumis au Sultan. Il serait toutefois extraordinaire qu’ayant invoqué la contiguïté du Maroc et de l’Algérie pour motiver notre action dans le premier de ces pays, nous laissions durant une série d’années ces deux contrées séparées effectivement l’une de l’autre par des peuplades insoumises et hostiles.

Nous ne nous permettrons pas de dresser un plan de campagne pour la France au Maroc. Le gouvernement a nommé résident général, avec pleins pouvoirs civils et militaires, l’homme le plus expérimenté et le plus qualifié pour cette rude et délicate tâche, le général Lyautey. On doit s’en remettre à son tact, à son énergie, à sa compétence dans les choses nord-africaines.

La conquête de l’Algérie a duré dix-sept ans jusqu’à la prise d’Abd-el-Kader ou même vingt-sept, si on lui assigne comme terme la conquête de la Kabylie : elle a infligé à la France un sacrifice d’au moins 2 milliards et demi. Nous devrons nous féliciter si la prise de possession du Maroc peut s’effectuer en une douzaine d’années et si le coût n’en dépasse pas 1 200 millions. Il faut bien se dire que désormais la France est prisonnière du Maroc et que toute notre politique va être, durant une douzaine d’années au moins, subordonnée au Maroc.

Quelle est la méthode à suivre pour réduire autant que possible nos sacrifices d’hommes et d’argent et obtenir les résultats les plus rapides et les plus durables ? Quoique le Maroc diffère singulièrement de la Tunisie, il convient d’agir, avec le Sultan, comme on a agi avec le Bey. On a vu que, tout en tête du budget tunisien de 1911, avant le chapitre de la Dette tunisienne et les dépenses de la résidence générale et de l’administration française, figure, comme « Section première, liste civile, » une somme de 1 838 000 francs, dont 900 000 pour le bey, 128 000