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l’Algérie. Ni la législation, ni l’administration beylicale n’ont été aggravées, depuis. notre occupation, en ce qui concerne les indigènes.

On critique parfois l’inégalité des charges entre les indigènes et les colons ; mais celles des premiers n’ont nullement été accrues. Au contraire, l’impôt de capitation ou medjba, impôt que nous avons toujours déclaré, quant à nous, écrasant et inadmissible, et dont nous avons constamment demandé la réforme[1], a été légèrement atténué, de 25 fr. 85 par tête d’indigène adulte à 18 francs. C’est encore une taxe exorbitante ; nous n’avons cessé de demander, quant à nous, que cette capitation fût abaissée graduellement à 5 francs ; mais il ne faut pas oublier que le dégrèvement déjà effectué a fait perdre au Trésor deux millions de francs et que celui en vue lui en ferait perdre encore trois environ, sur un budget d’une cinquantaine de millions ; il faudra donc un certain nombre d’années pour compléter cette réforme.

Celle-ci totalement opérée, la masse populaire arabe ne pourra vraiment avoir aucun grief positif contre la France et les Français ; elle pourra, il est vrai, conserver des griefs sentimentaux, qui sont les plus agissans et les plus tenaces.

On exagère les immunités dont jouiraient les colons tunisiens en matière de taxation. On pourra très bien, un jour ou l’autre, soumettre à l’achour les cultures d’avoine, que les musulmans ne connaissaient pas, de même transformer l’impôt phylloxérique sur les vignes en une taxe foncière, tout en assurant l’immunité pendant une douzaine d’années pour les terres défrichées et cultivées en céréales ou en fourrages. Ces modifications, qui pourront s’introduire avec le temps, seront plus ou moins senties par les colons, mais ne transformeront pas probablement les situations respectives des colons et des indigènes. Il ne faut pas oublier que les colons subissent dès maintenant des taxes assez lourdes : droits d’enregistrement et de timbre, droits de mutation, droits de transport sur les céréales, et qu’à Tunis, les impôts sur les immeubles atteignent facilement 15 pour 100 du revenu, sinon davantage.

  1. Se reporter à ce sujet non seulement à nos ouvrages : l’Algérie et la Tunisie et la Colonisation chez les Peuples modernes, mais encore à notre Traité de la Science des Finances (8e édition, t. Ier , p. 387) où nous signalons la Medjija comme le type d’un impôt écrasant dans un pays primitif.