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que l’on ménage les transitions, qu’après s’être montré assez indifférent pour les droits des musulmans, on ne sacrifie pas les intérêts des colons. La conciliation est délicate. L’indifférence des pouvoirs publics pour le sort de nos sujets musulmans n’a jamais été complète. M. Raymond Aynard ici même, dans un récent article, donnait d’instructifs renseignemens sur le crédit agricole parmi les musulmans d’Algérie et les mesures y relatives[1] : on pourrait y joindre d’autres exemples d’une certaine sollicitude de l’administration française pour les Arabes, au point de vue de l’hygiène notamment. Mais devenus obligatoirement soldats de la France, ce ne sont plus des actes de bienveillance et des témoignages de sympathie que nos sujets musulmans, protestant contre cette dernière appellation, vont réclamer, ce sont des droits.

En terminant ce rapide exposé sur l’aînée de nos possessions nord-africaines, nous n’hésitons pas à dire que, malgré bien des fautes, pour la plupart excusables, la France a fait en Algérie une fort belle œuvre. Aucune puissance européenne, sans doute, n’y eût mieux réussi. L’Angleterre vraisemblablement eût ouvert beaucoup plus rapidement et plus profondément le pays ; sous le régime anglais il y eût eu deux fois plus de chemins de fer, deux fois plus de mines en exploitation ; on n’eût pas vu un scandale comme le retard indéfini apporté à la solution de l’affaire des mines de l’Ouenza ; l’Algérie eût été depuis longtemps reliée au Soudan par une voie ferrée. Mais l’Angleterre n’eût pas implanté près de 700 000 Européens dans ce pays : y être parvenu, alors que l’Algérie n’a pas bénéficié de l’attrait de mines d’or ou de richesses exceptionnelles, c’est un succès, un très grand succès, dont la France a le droit d’être heureuse et fière.


III

S’il est un pays au monde que l’on s’attendrait à trouver, non seulement prospère, mais content, uni et confiant en l’avenir, c’est bien la Tunisie : pendant une vingtaine d’années elle a joui de cette réputation et était considérée comme le chef-d’œuvre

  1. Voyez la Revue du 1er mai 1912.