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toutes les résistances que suscitent les modifications aux impôts directs. Ce serait donc une véritable folie que de bouleverser les impôts arabes. On pourrait seulement, dans certains cas, alléger la capitation. D’autre part, on ne peut guère appliquer ces impôts arabes aux cultures intensives des Européens. Mais le moment serait venu, sauf pour les terres récemment défrichées, qui pourraient jouir d’une immunité pendant douze ou quinze ans, d’instituer pour les colons l’impôt foncier rural. Dès 1884, le Conseil supérieur de l’Algérie avait adopté un projet de taxe foncière qui devait être perçu en centimes additionnels calculés ‘sur un principal fictif : ce principal devait varier entre 0 fr. 15 par hectare pour les pâtures et terres vagues, et 6 francs pour les vignes, orangeries, vergers. On pourrait rendre effectif ce principal fictif et en relever dans une certaine mesure les taux. On peut dire que cette mesure s’impose, et il n’y a guère lieu de douter qu’elle soit adoptée à bref délai.

C’est ailleurs, toutefois, que sont les principaux abus dont les indigènes peuvent réclamer le redressement. Ils sont, au point de vue administratif, trop subordonnés aux colons. L’organisation municipale a été instituée exclusivement pour servir les intérêts de ceux-ci, et, loin d’élargir la représentation des indigènes et les pouvoirs de leurs mandataires, on lésa, au contraire, restreints de la manière la plus regrettable. C’est ainsi qu’un décret du 7 avril 1884 a réduit au quart, au lieu du tiers, le nombre des conseillers municipaux que pourraient élire les musulmans, en fixant à six le maximum de ces conseillers et leur a, en outre, enlevé le droit de participer à l’élection des maires. Cette mesure de réaction avait, sans doute, pour objet d’empêcher la coalition entre les conseillers musulmans et les conseillers européens dissidens ; les coalitions sont le moyen le plus effectif de sauvegarde des minorités. Il faut abolir sans retard ces limitations établies par le décret de 1884.

Les abus sont très grands aussi parfois dans les communes de plein exercice, où l’on rattache à quelques dizaines ou quelques centaines de colons un nombre parfois décuple ou vingtuple d’indigènes, ceux-ci payant des impôts dont il n’est fait presque aucun, parfois même aucun, emploi à leur profil. On a calculé, il y a déjà un quart de siècle, que le rattachement d’un indigène à une commune de plein exercice procurait à celle-ci une perception de 2 francs. Il serait nécessaire d’établir