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exclusif : 300 000 hectares de terres, confisqués sur les indigènes rebelles de 1871, furent employés à la dotation du peuplement européen. On fit voter la loi de 1873 pour la constitution de la propriété privée chez les indigènes, qui n’avait guère d’autre but que de mettre graduellement les biens de ceux-ci à la disposition des cultivateurs français. Préalablement, M. Crémieux, ministre du Gouvernement provisoire, avait trouvé le loisir, au milieu des désastres du mois d’octobre 1870, de naturaliser en masse ses coreligionnaires, les Israélites indigènes d’Algérie. Un projet dit des 50 millions fut présenté par le gouvernement pour exproprier les Arabes de 300 000 à 400 000 hectares de terres et en doter la colonisation. Nous fûmes de ceux qui combattirent ce déplorable projet. Il échoua ; parmi ceux qui contribuèrent le plus à son échec était le feu comte d’Haussonville au Sénat.

Nous n’avons pas dans cette revue rapide à examiner le régime terrien suivie en Algérie pour la colonisation : la création officielle de centres a été l’objet de beaucoup de critiques, certaines fondées ; elle a trouvé, d’autre part, un apologiste dans M. de Peyerimhoff. On peut dire à son éloge qu’elle a contribué à constituer la colonisation agricole européenne qui oscille entre 200 000 et 220 000 âmes ; notons que, depuis une vingtaine d’années, ce nombre reste à peu près constant. On eût pu, sans doute, obtenir des résultats approximativement égaux, en évitant des vices divers dont cette colonisation fut entachée.

On calcule que, à l’heure présente, les Européens possèdent environ le cinquième de la superficie cultivable de l’Algérie. Si les quatre autres cinquièmes étaient convenablement cultivés, ils pourraient sans doute nourrir une population indigène encore croissante et dans des conditions améliorées.

Se préoccupe-t-on de favoriser cette ascension à un niveau social supérieur de la considérable population autochtone ? Elle se multiplie, s’étant accrue de 130 à 140 p. 100 depuis la conquête, ce qui est déjà un signe que ses conditions de vie sont devenues moins étroites et moins ingrates. Mais la législation a eu jusqu’ici peu de part à ce développement. La période de 1848 à 1890 a été marquée par l’oubli, sinon le dédain, des intérêts des indigènes, et si ceux-ci ont vu, néanmoins, leur sort s’améliorer dans une certaine mesure, ç’a été par les conséquences indirectes des progrès généraux du pays. Depuis 1890 et même