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militaires effectuées dans cette colonie, eussent dû, si nous n’avions pas possédé celle-ci, être faites dans la métropole. Pour tenir compte de cette considération, on pourrait réduire à 3 milliards environ le prix de revient de l’Algérie pour l’Etat français. En regard de cette énorme charge, on alignerait des élémens impondérables, mais qui ont leur importance soit matérielle, soit morale : le prestige que la possession de cette vaste contrée a donné à la France, l’honneur qui en est résulté pour elle, les perspectives plus vastes ouvertes à l’âme française et à l’activité française par une extension aussi ample, aussi nouvelle et aussi variée de notre domaine national, l’élan donné à notre esprit d’entreprise, à notre commerce, à notre production. Ces derniers élémens seuls pourraient être susceptibles de calculs ; encore leur complication les rendrait-elle très conjecturaux. Ceux qui savent que l’argent ne doit pas plus être la considération dominante dans la vie des nations que dans celle des particuliers, tout en regrettant qu’une méthode meilleure n’ait pas réduit le prix de revient de l’Algérie pour l’Etat français, doivent s’applaudir de cette précieuse acquisition et juger qu’elle vaut bien son prix.

Depuis l’ouverture du XXe siècle, la situation financière de l’Algérie s’est considérablement améliorée. On a eu la sagesse d’octroyer à cette colonie une autonomie, encore bien incomplète, comme le prouve la malheureuse, nous dirons presque la phénoménale affaire de l’Ouenza, mais, cependant, en partie efficace. L’Algérie possède maintenant son budget propre, voté par des autorités algériennes et dont elle dispose sous un contrôle qui n’est qu’exceptionnellement vexatoire. Les dépenses qui restent à la charge du budget métropolitain sont d’abord les dépenses militaires, inscrites au budget pour une soixantaine de millions[1] ; quand l’Algérie sera devenue centenaire, ce qui est encore la toute première jeunesse pour une colonie, on pourra lui demander une contribution à ces dépenses d’occupation, c’est-à-dire d’ordre et de sécurité ; cette participation, encore distante, d’abord de 5 pour cent par exemple, pourrait graduellement s’élever jusqu’à 50 pour cent, chiffre maximum. ; L’autre dépense algérienne, celle-ci civile, à la charge de la

  1. Le chiffre exact est de 77 315 439 francs au budget de 1911 pour l’Algérie et la Tunisie réunies, ce qui représente bien près de 60 millions pour l’Algérie seule.