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d’Afrique, correspondant à notre actuelle Tunisie, n’acquit une véritable prospérité que plusieurs siècles après qu’elle eut été conquise et dirigée par les Romains. Cette contrée subit, dans l’antiquité, pendant huit siècles entiers, la domination et la direction soit de Rome, soit de Byzance, continuatrice de Rome. Un spécialiste, érudit et clairvoyant, M. Toutain, dans son ouvrage : Les Cités Romaines de la Tunisie, Essai sur l’histoire de la Colonisation romaine dans l’Afrique du Nord, écrit que à la Tunisie Centrale était déserte et stérile à l’époque de Marius[1], » c’est-à-dire quarante ans après la prise de Carthage par Scipion. La province romaine d’Afrique n’acquit que très lentement une grande importance. « Sous Trajan, écrit Gaston Boissier, un historien latin, qui se crut un sage, se demande sérieusement s’il n’aurait pas mieux valu que Rome n’occupât jamais ni la Sicile, ni l’Afrique et qu’elle se fut contentée de dominer sur l’Italie[2]. » Cet historien, c’est Florus ; Trajan régnait de l’un 98 à l’un 117 de notre ère, soit deux siècles et demi après la prise de Carthage. L’auteur du chapitre consacré à l’archéologie dans la compilation officielle : La Tunisie (1904), homme très versé dans la connaissance des monumens anciens de la Régence de l’Est, M. Gauckler, s’exprime ainsi : « Les édifices païens les plus nombreux remontent au temps des empereurs africains ; ceux de l’époque des Aitonins sont déjà plus rares. Il n’existe pas sur le sol de la Tunisie un seul monument romain dont on puisse affirmer qu’il fut antérieur à notre ère[3]. » C’est aux empereurs africains qu’universellement on rapporte l’apogée de la province romaine d’Afrique ; or, ils régnaient de l’un 193 de l’ère chrétienne à l’un 235. Il fallut donc trois siècles et demi pour que l’Afrique Romaine atteignît la prospérité dont le tableau et les traces frappent si vivement nos contemporains[4].

On peut rappeler aussi que l’ancienne Tunisie et les contrées nord-africaines adjacentes furent plutôt pour les Romains une colonie d’exploitation, c’est-à-dire de direction administrative et économique, qu’une colonie de peuplement. Et cela même est

  1. Opus citatum, page 41.
  2. Boissier, l’Afrique romaine, p. 84.
  3. La Tunisie. Histoire et Description (1896), tome Ier , page 304.
  4. On nous permettra de renvoyer, pour l’exposé sommaire de la colonisation trop peu connue des Romains dans l’Afrique du Nord, à notre ouvrage : l’Algérie et la Tunisie, chapitre V : l’État réel de la Tunisie sous la colonisation romaine et byzantine.