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sauf les deux zones espagnoles. Tout en portant le nom de protectorat, la situation que nous avons diplomatiquement acquise dans ce pays diffère singulièrement de celle que nous nous sommes faite en Tunisie. Les pouvoirs qui nous sont reconnus au Maroc sont étroitement limités à bien des points de vue ; on peut se demander s’ils ne nous laissent pas plus de charges que de droits. En aucun point du monde, croyons-nous, il n’existe une souveraineté aussi garrottée par des liens multiples et assujettie à de si nombreuses et si minutieuses servitudes. On y a donné à la formule séduisante de « la porte ouverte » une portée qu’elle n’a jamais eue ailleurs. On peut dire qu’on a fait à la France au Maroc une situation analogue, quasi même inférieure, à celle que les puissances, avant le réveil récent de ces nationalités, faisaient à la Turquie en Europe ou à la Chine dans ses provinces côtières.

Quoi qu’il en soit, et si délicate que doive être notre tâche en ce pays, notre nouvelle acquisition nord-africaine ajoute environ 500 000 kilomètres carrés et 4 millions et demi, sans doute, d’habitans aux étendues et aux populations indigènes dont nous avions précédemment pris possession dans le Nord de l’Afrique. Le chiffre de 4 millions et demi ou 5 millions d’habitans pour le Maroc paraîtra faible à certaines personnes qui restent sous l’impression d’évaluations beaucoup plus considérables, mais manifestement grossies. On verra plus loin qu’il ne peut maintenant être question de 8 ou 9 millions d’habitans au Maroc, ni même de 6 à 7 millions, et que, si l’on en déduit notamment les zones espagnoles, tout permet de penser que la population de ce pays se rapproche plutôt de 4 millions que de 5.

Pour terminer ce premier aperçu, la France, en n’ajoutant aux régions cultivées du cultivables que la lisière du désert, possède maintenant, ou plutôt, quand elle aura exercé une occupation effective sur la totalité du territoire marocain dont elle ne détient, et encore incomplètement, qu’un septième aujourd’hui, possédera environ 1 200 000 kilomètres carrés, dépassant deux fois sa propre superficie, au lieu de 700 000 kilomètres carrés (Algérie et Tunisie réunies), et dominera une population d’une douzaine de millions d’habitans (Algérie, Tunisie et Maroc compris), dont il millions environ de Musulmans, 250 000 à 300 000 juifs indigènes, graduellement assimilables, et environ 900 000 Européens.