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de Queuleu et de Saint-Julien. Bazaine établit son quartier général à Borny. Ce mouvement en arrière supposait qu’on renonçait à protéger la rive droite de la Moselle, car ce n’est pas au pied des forts de Metz qu’on devait la défendre, c’était en livrant bataille sur une des belles positions entre la Sarre et la Moselle, abandonnées les unes après les autres. Même dans le cas où l’on aurait voulu ne se tenir sur la rive droite de la Moselle que défensivement, ce n’est pas à l’abri des forts de Metz, en état de se défendre eux-mêmes, c’est vers Frouard qu’il eût fallu se concentrer. Pourquoi alors s’attarder à Borny et sous les forts de Queuleu et de Saint-Julien ? Il n’y avait qu’à passer rapidement sur la rive gauche du fleuve, s’établir sur les hauteurs formidables qui dominent comme des forteresses une vallée large de trois kilomètres ; ce mouvement se serait opéré aisément, puisque l’ennemi était trop éloigné pour le contrarier, et on l’aurait complété en coupant tous les ponts. Metz alors devenait, non le refuge éventuel d’un camp retranché, mais le centre des manœuvres extérieures facilitées par la protection de la ville qui permettait d’employer toutes les réserves- :

On contre-balancerait ainsi la supériorité numérique des Allemands. Tant qu’ils manœuvraient sur un terrain tactique restreint, leurs masses compactes restaient unies ; elles étaient obligées de s’éparpiller lorsqu’elles tentaient un large mouvement, tel que celui de tourner Metz, en passant la Moselle sur des ponts distans, et de gravir le plateau de Lorraine qui sépare les bassins de la Moselle et de la Meuse. Etablis au centre de la circonférence, nous aurions pu manœuvrer de façon à avoir la supériorité numérique sur un point déterminé, puis sur un autre, et tout succès remporté sur une partie de l’armée allemande eût contraint l’autre à se retirer. Enfin, si nous étions revenus à l’idée, qui était toujours au fond celle de l’Empereur, de nous replier tous sur Châlons, cette marche se serait opérée aussi tranquillement que le passage de la rive droite de la Moselle sur la rive gauche.

Cette stratégie de manœuvres sur la rive gauche de la Moselle offrait donc des chances sérieuses de succès ; mais, dans la détresse d’esprit où était tombé l’Empereur, il est certain que le recul sur le camp de Châlons eût offert plus de sécurité et permis la concentration des armées de Bazaine et de Mac Mahon qui n’était plus possible sur les plateaux de la Moselle. En résumé, défendre