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d’objections que la retraite sur Châlons. Il paraissait déraisonnable de couper en deux des forces insuffisantes dans leur totalité et de recommencer une de ces disséminations dont nous avions tant souffert. L’Empereur en revint à la concentration totale à Metz, aussi complète qu’elle l’eut été à Châlons, et il prescrivit à Douay, Failly, Canrobert, de le rejoindre.

Il avait également envoyé à Mac Mahon un officier porteur de l’ordre de se replier sur Metz. L’officier était venu saluer Le Bœuf, et lui avait dit pourquoi il partait. Quoique Le Bœuf se fût promis de n’être plus, jusqu’à son remplacement, qu’un instrument passif, il bondit. Plusieurs officiers qu’il avait envoyés à Mac Mahon, soit pour l’aider à rassembler ses hommes, soit pour préparer des vivres, lui faisaient un tableau effrayant du désarroi de la retraite... Il courut chez l’Empereur et, l’abordant plus véhémentement que ce n’était dans ses habitudes : « Votre Majesté veut donc perdre Mac Mahon ? Lui ordonner, avec des hommes épuisés, une marche de flanc devant un ennemi victorieux qui s’approche à grands pas, c’est le vouer à une destruction certaine. » Il parla avec tant de conviction que l’Empereur retint son messager, et laissa Mac Mahon continuer sur Châlons.

Failly avait pris les mesures nécessaires pour gagner Nancy, mais de toutes parts on lui signala la présence des avant-gardes de l’ennemi, à Château-Salins, Dieuze, Marsal et sa marche rapide sur Pont-à-Mousson. Ces renseignemens un peu grossis n’étaient pas complètement erronés. Failly craignit que son corps à Nancy, ayant l’ennemi en face, ne fût cerné et coupé de sa ligne de retraite, et, usant de l’élasticité de l’ordre qu’il avait reçu, contremanda la marche sur Nancy et continua à suivre Mac Mahon vers Châlons. La volonté de l’Empereur d’appeler à Metz toutes ses forces disponibles ne s’exécuta donc point.

Cette impossibilité de concentrer toutes nos forces sous Metz commandait encore plus impérieusement de bien disposer celles qu’on avait sous la main et de se mettre en meilleure position de recevoir l’offensive prussienne qui n’allait plus tarder. C’est ce qui fut loin d’être fait. Le 10 août, Bazaine était sur la rive gauche de la Nied française, depuis Pange jusqu’au village des Étangs. L’Empereur, sous prétexte que le terrain n’était pas assez bon, et que les bois environnans le rendaient dangereux, le fit replier sous le canon de Metz en avant des forts