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s’écria : » Il est bien entendu que le Ministère s’y opposait ; nous le constatons. — La proposition, ajouta Cochery, a été adoptée malgré le Ministère. C’est le prélude de sa condamnation par la Chambre. » La Chambre se retira dans ses bureaux ; la séance fut levée.

Je montai au fauteuil demander ou donner un renseignement a Schneider : « Eh bien ! me dit-il, je vous l’avais bien annoncé hier ; la Chambre est décidée à vous renverser. — Qu’ils se déshonorent, dis-je, si cela leur convient. Je ne me déshonorerai pas moi-même. Je ne considère pas comme décisif le vote qui vient d’être rendu, quoiqu’il soit clair ; je ne me retirerai que devant un vote de défiance formel. Je veux qu’il soit bien incontestable que je n’ai pas déserté, sans y être contraint, un poste qui n’est plus qu’un poste de danger. »


V

Le tumulte aux environs du Corps législatif n’était pas moindre que dans l’assemblée. La foule faisait mine d’escalader les grilles et le petit mur du côté du quai ; quelques députés lui tendaient la main. Baraguey d’Hilliers crut qu’il était temps d’en finir.

Il s’avança vers la bande qui grimpait aux grilles et, tirant sa montre et se tournant vers ses aides de camp, il dit à voix haute : « Dans cinq minutes, vous chargerez s’ils n’ont pas f… le camp. » Au bout d’une minute, il ne restait plus personne. Gambetta s’étant dirigé au delà du pont vers la foule, le maréchal le repoussa : « Vous ne passerez pas, monsieur ; à la Chambre, vous pouvez être quelqu’un ; ici, vous n’êtes rien et je ne tolérerai pas que vous me désobéissiez. » Il fit ensuite évacuer la salle des Pas-perdus, et ordonna à un détachement de cuirassiers, soutenu par un escadron de gardes de Paris à cheval, un régiment d’infanterie de marine, de nombreuses brigades de sergens de ville et un bataillon de la garde nationale, de déblayer le pont de la Concorde et les quais à droite et à gauche du Palais. Aucune résistance ne se produisit ; en quelques instans, la tranquillité la plus complète régnait aux abords du Corps législatif. Des forces massées à proximité demeurèrent prêtes à charger, à dissiper la foule et à la rejeter sur la place de la Concorde, si elle avait remué. Les quatre mille révolutionnaires