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France d’accepter un accord par lequel, si nous sommes attaqués, elle assumera certains de nos devoirs afin de permettre à notre flotte de se concentrer là où seront attaqués nos intérêts vitaux. A moins que nous ne soyons prêts à lui rendre la réciproque et en situation de le faire, nous lui demandons par la même d’exposer ses propres intérêts vitaux à une attaque analogue. On peut nous attaquer sur mer, on peut attaquer-la France sur terre. Offrir seulement à notre voisine de défendre ses côtes de la Manche et de l’Atlantique, en retour de son appui dans la Méditerranée, c’est lui faire une offre ridicule. Nous devons être préparés à faire pour elle aujourd’hui ce que nous avons souvent fait contre elle dans le passé : l’aider à assurer la défense de ses frontières contre l’invasion. Ceci demande non pas une entente, — accord plus ou moins sentimental comportant vaguement la reconnaissance du fait que le but et les intérêts des deux pays sont identiques, — mais une alliance aussi ferme et aussi étroite que celle qui unit l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. Ceci demande entre les deux pays un appui mutuel dans tout le domaine de la politique internationale et un plan arrêté d’action commune pour le cas où surgirait un conflit. » On ne saurait mieux parler, et voilà, certes, une question bien posée ; seulement, on ne peut pas dire ici que la poser soit la résoudre. Pour la résoudre, en effet, il reste beaucoup à faire. Ce n’est pas la première fois que l’idée de passer d’une entente à une alliance s’est présentée aux esprits, de ce côté du détroit comme de l’autre. On ne s’y est pas arrêté en Angleterre, parce que l’idée n’était pas mûre et qu’elle était repoussée par le pacifisme du parti radical : elle l’est d’ailleurs encore aujourd’hui. On ne s’y est pas arrêté en France parce que l’Angleterre n’avait fait que peu de chose pour nous apporter le concours effectif dont parle l’Observer en si bons termes. Et les choses en sont au même point. Ce ne sont d’ailleurs pas, il s’en faut de beaucoup, tous les journaux anglais qui tiennent le langage dont l’article de l’Observer fournit un exemple expressif. La thèse de l’Observer est celle de la presse conservatrice : la presse libérale en soutient une différente. Pleine pour nous d’une sympathie très sincère, elle rappelle que l’entente cordiale a suffi jusqu’à ce jour à toutes les circonstances, même aux plus graves : pourquoi donc la remplacer par une alliance stricte qui aurait pour conséquence inévitable l’augmentation des armemens qu’on voudrait pouvoir diminuer et de provoquer en Allemagne des susceptibilités qu’on cherche précisément à dissiper ? Ces argumens ne sont pas sans valeur. Aussi bien nous ne sommes pas de ceux qui font fi de notre entente avec l’Angleterre sous sa forme