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Bulow en 1908. M. de Bülow, qu’on nous passe le mot, avait lâché son maître et, quelques semaines après, il tombait lui-même du pouvoir : renversé par le Parlement, il ne trouvait plus d’appui au Palais. Avait-il été entraîné par la violence de la tempête, d’ailleurs passagère, qui s’était déchaînée contre l’Empereur ? Avait-il voulu, en diminuant l’autorité du souverain et en augmentant celle de l’Assemblée, faire entrer l’Allemagne dans les voies parlementaires ? Quoi qu’il en soit, son successeur ne l’a pas imité. « Je repousse, a-t-il dit, les attaques dirigées contre Sa Majesté. L’Empereur a exprimé un mécontentement qui a été partagé par bien des Allemands dans ces dernières semaines. Il n’y a aucune raison pour moi de ne pas accepter la responsabilité de cette situation. Tant que je serai en charge, je couvrirai l’Empereur. Je n’agis pas ainsi par des considérations de courtisan, mais parce que c’est mon devoir d’homme d’État. Le jour où je ne pourrai plus remplir ce devoir, vous ne me verrez plus à cette place. « En attendant, le chancelier a pris bravement à son compte les paroles de l’Empereur. Il a affirmé que celui-ci n’avait jamais songé à se passer du Conseil fédéral et du Reichstag pour réviser, s’il y avait lieu de le faire, la constitution de l’Alsace-Lorraine. « A qui fera-t-on croire, a-t-il dit, que l’Empereur, en parlant de la révision de la Constitution, n’ait pas entendu parler d’un acte de la législation de l’Empire qui ne pourrait être présenté que comme une ultima ratio ? L’Alsace-Lorraine est un pays d’Empire : seuls le Conseil fédéral et le Reichstag auront à examiner si, un jour, le moment ne sera pas venu de modifier la Constitution qui lui a été donnée. » Mais, après avoir apaisé ainsi les scrupules constitutionnels que la parole impériale avait pu provoquer, il a pensé que, puisqu’un avertissement sévère avait été adressé aux Alsaciens, il y avait lieu pour lui de le confirmer, et c’est là ce qui est le plus intéressant pour nous dans son discours. « Conseil fédéral et Reichstag, a-t-il dit, s’ils étaient contraints de prendre certaines déterminations, ne se laisseraient guider que par les intérêts de l’Empire : aux Alsaciens-Lorrains de décider si ces intérêts vitaux comportent une consolidation de l’autonomie et de la liberté accordées à leur pays, ou s’ils en exigent la restriction. L’Alsace-Lorraine décidera elle-même de son sort. Personne ne peut fermer les yeux à cette situation qu’il y a dans ce pays d’Empire des tendances anti-allemandes : tout ce qui est allemand doit s’unir contre elles et ainsi on en aura raison. Cela et le souci de l’avenir du Reichsland ont été le noyau et la substance de l’avertissement sérieux donné par l’Empereur. Était-ce un tort de sa part de le donner ? Non, et là-dessus la