Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/699

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et cela dès l’ouverture, ayant fait la part du pathétique, aurait ainsi fait, et si grande, celle de l’esprit, de la verve et de la gaieté ! Dans les partitions du maître de Salzbourg, un mot, un mot italien, revient sans cesse : « Gioia, gioia bella. » La joie, la belle joie, que Beethoven avait célébrée seulement à la fin de sa dernière symphonie, il n’est pas un opéra de Mozart qui ne la respire et ne la répande. Wagner, qui ne se sentait pas créé pour elle, en connut du moins le désir. Il écrivait un jour à Boito : « Un instinct secret nous avertit que nous il entendait : nous. Allemands) ne possédons pas l’essence totale de l’art ; une voix intime nous dit que l’œuvre d’art doit être en définitive un tout complet, qui charme les sens mêmes, qui touche toutes les fibres de l’homme, qui l’envahisse comme un torrent de joie. » Quand Wagner parlait ainsi de l’œuvre d’art intégrale, parfaite, il songeait peut-être, avec un peu d’envie, à l’œuvre plus qu’allemande, et plus aussi qu’italienne, à l’œuvre plus qu’humaine et vraiment divine, de Mozart. Hélas ! contre cette perfection, que ne vient-on pas, encore une fois, d’entreprendre et d’accomplir ! Faut-il, après la Flûte enchantée, que Don Juan ait souffert même injure et que l’occasion revienne trop souvent de citer, l’étendant à plus d’un, le mot de Gounod : « Il suffit d’un interprète pour calomnier un chef-d’œuvre. »


Deux grands marchands de plaisirs internationaux, — deux cette année, au lieu d’un seul, — ont pris possession du Paris printanier. Pendant la saison qu’ils appellent « grande, » nos théâtres, nos salles de concert : Trocadéro, Châtelet, Opéra même, tout leur est livré. Parisiens, nous nous sentons comme expropriés, pour deux mois, de notre ville, de notre esprit ou de notre génie, de notre art et de notre âme. Personnellement, certain critique n’est jamais convié que par hasard, et sans doute par inadvertance, à ces solennités pour la plupart exotiques. Cette fois il lui fut donné seulement d’entendre le Messie, un soir, et, un autre, quatre ballets, — français, ô merveille ! — dansés et mimés par Mme Trouhanowa. Ces quatre scènes chorégraphiques étaient, dans l’ordre de la représentation, Istar de M, d’Indy, Salomé de M. Florent Schmitt, la Péri de M. Dukas, et Adélaïde, ou le Langage des fleurs, de M. Maurice Ravel. Par ordre de mérite, il faudrait citer la première, et de beaucoup, pour des raisons trop longues à déduire à la fin d’une chronique, la Péri de M. Dukas.

Au Trocadéro, le Messie fut dirigé par M. Weingartner avec autant de souplesse que de précision. Chanté par des solistes et des chœurs également britanniques, il le fut par les uns et par les autres inégalement :