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« le son Sacro Monte : ainsi le sentiment chrétien se fortifie dans les montagnes, et retourne au désert pour fuir l’invasion païenne de la Renaissance…

Tel est bien, en définitive, l’intérêt de toutes ces peintures : nous retrouvons en elles l’esprit du peuple qui les aima. Ni Canavesi, ni Brea, ni Nadar ou Nadal, ni Brevesi, ni Baleisoni, ne sont des maîtres de premier ordre ; leurs ouvrages importent peu à l’histoire de la beauté ; mais ce sont des monumens précieux pour l’historien de la vie morale. Dans la plupart des cas, le tableau est sans signature ; il ne porte qu’un nom, celui du donateur. C’est bien lui, en effet, qui se peint dans cette image, lui qui en a réglé la composition, déterminé le prix, choisi le bois et les couleurs ; ces marchés faisaient l’objet de contrats notariés, rédigés dans toutes les formes, comme pour les actions les plus graves de la vie ; rien ne nous fait mieux pénétrer dans les mœurs de ce petit monde ; rien n’explique mieux la valeur, les limites, les défauts de cet art pieux et plébéien.

Il n’y a ici, en effet, ni seigneurs, ni mécènes, ni grandes familles patriciennes comme il s’en trouve dans toutes les républiques d’Italie ; pas de clergé fastueux, d’évêques, de cardinaux désireux de s’immortaliser par des fondations splendides. Des princes prudens et économes, d’une maison (la Savoie) la moins artiste de la péninsule ; pas d’aristocratie, nul stimulant, aucun principe de culture ; nulle trace de vie intellectuelle, absence complète de littérature. L’art seul témoigne ici de quelque chose qui s’élève au-dessus de ces conditions médiocres et déprimantes : l’art de tous, l’art des petites gens, des fidèles, des femmes. C’est pour ce public simple, rural, qu’ont été faites les œuvres modestes qui nous occupent. Elles représentent le côté supérieur de leur vie, ce qui flotte au-dessus de ces existences mesquines, de préoccupations idéales et éternelles. Elles prennent ainsi une signification profonde. Rudes ou délicates, grossières ou raffinées, ce sont des œuvres populaires. Des particuliers, des agonisans au lit de mort, des veuves en mémoire de leur mari défunt, des enfans, pour exécuter la volonté d’un père, ont fait présent de ces tableaux, pour le bien de leurs âmes et des âmes de leurs frères Souvent, dans les paroisses où personne n’était assez riche pour faire les frais de l’ouvrage, les fonds en étaient recueillis par une collecte publique. Chacun contribuait de son obole. Tel moribond, lègue un florin, tel autre quelques setiers à prendre