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Cornette aurait pu plaire, s’il n’avait pas senti si fort l’ancien régime. Garçon-major était lourd. Aide-major ne pouvait être repris aux médecins militaires. Adjoint disait moins encore qu’adjudant. Plus on feuilletait le dictionnaire, plus le caractère précaire et conventionnel de la langue militaire moderne apparaissait. On remonta jusqu’à l’antiquité ; mais n’y trouvant rien que de bizarre : hypostratège, tétraphalangargue, tergiducteur... on revint au français du XXe siècle ; et comme autrefois, maréchal des logis-chef, on forgea adjudant-chef.

Ainsi : enseigne, que M. Messimy avait adopté dans son projet du 19 décembre dernier, n’aura duré qu’un ministère, et c’est peu. Mais il aurait été trop contraire à l’esprit de la nouvelle loi que les adjudans-chefs ne survécussent pas. Leur existence relève de l’idée de péréquation. Elle promet d’accélérer l’avancement des sous-officiers dans des proportions sensibles puisque, pour l’ensemble des 173 régimens, le nombre des emplois d’adjudans-chefs s’élève à 1 400 ; ou plutôt, elle profitera à la fois aux deux catégories que ce grade intermédiaire départage : à celle des officiers qui s’allège par en bas, et à celle des sous-officiers qui s’allonge par en haut.

Des chiffres rendent sensibles ces deux changemens. Au lieu des 2 030 officiers en service actif, prévus pour l’encadrement des réserves, le nouveau cadre complémentaire n’en comptera plus que 1 686. En revanche, le nombre des sous-officiers destinés aux mêmes formations passe de 3 991 à 8 291.


En dépit des avantages qu’elle leur promet, la loi proposée ne jouit pas jusqu’à présent d’une grande faveur parmi les officiers. Ils regrettent que l’examen du statut organique se soit fait en ordre dispersé, qu’une procédure législative commune aux trois armes n’ait pas été suivie, que l’infanterie se soit trouvée détachée du faisceau où elle adhérait encore, il y a cinq ans, et que ni la main du licteur, ni la force du lien militaire ne puissent empêcher le fantassin, aujourd’hui, et demain le cavalier, le sapeur, de tirer l’un après l’autre une baguette à soi.

Pourtant, — ajoutent-ils, — même après la disjonction de 1909 et la nouvelle organisation de l’artillerie, tout pouvait encore se recomposer. Il suffisait de mettre en chantier une bonne loi sur l’avancement ; puis, sur cette loi, prise comme