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en tout que 210 sous-lieutenans. En 1909, 1910, 1911, pour 405, 463, et 748 vacances de capitaines, les promotions ne donnaient, chaque année, que 321 officiers de remplacement.

Si maintenant on recherche pourquoi l’administration militaire a laissé ces lacunes se produire, on découvrira que, depuis quelque temps, le chiffre des candidats aux écoles militaires décroissait dans une proportion sensible, et qu’on ne pouvait relever celui des admissions sans risquer de perdre quelque chose sur la qualité des officiers.

De près de 2 000, il y a dix ans, le nombre des jeunes gens qui affrontent l’examen de Saint-Cyr s’est abaissé progressivement jusqu’à 900. Il est vrai que le nombre des places a, lui-même, fortement décru, et que cette offre moindre a pu décourager la demande. Mais cette raison n’existe pas pour Saint-Maixent, où 250 places sont offertes cette année, et où 380 sous-officiers seulement se présentent. Beaucoup d’entre eux postulent en même temps pour l’école d’administration de Vincennes. Celle-ci fait prime, ainsi que le prouve le nombre sans cesse croissant des concurrens qui y aspirent. Chose digne de remarque, c’est à partir de l’époque où les candidats se firent plus rares à Saint-Cyr et à Saint-Maixent qu’ils commencèrent d’affluer à Vincennes, et la même année 1900 vit monter la courbe de cette dernière école, tandis que celles des deux autres descendaient. Partie du chiffre 186, elle était à 420 en 1905, et marquait 500 en 1910. Comme le nombre des élèves oscille aux environs de 50, la sélection à l’entrée est de 1 pour 10. C’est celle, ou presque, qui s’exerce parmi les officiers candidats aux corps du contrôle ou de l’intendance ; en sorte qu’au demeurant, notre système consiste à drainer ce qu’il y a de meilleur dans nos corps de troupe au profit des fonctions militaires administratives et des catégories de non combattans.

Ces symptômes sont caractéristiques : il n’est plus douteux que la jeunesse française ne manifeste de l’inappétence pour ces mêmes brevets d’officier, recherchés autrefois comme des lettres de noblesse, dédaignés aujourd’hui par les enfans de la bourgeoisie et laissés par elle à de plus roturiers. Les raisons de cette désaffection paraissent complexes. On a cité la cherté de la vie, l’insuffisance de la solde et des pensions de retraite, le manque de satisfactions morales ou même de joies professionnelles, le recul de l’officier dans l’ordre des préséances et