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doit se faire l’accommodation du soldat à ces mêmes conditions. Trois de ces cellules ensemble formeraient le peloton ; trois pelotons, la compagnie ; et par trois bataillons de trois compagnies, on remonterait jusqu’au régiment.

Ces constructions s’échafaudent dans le cerveau de nos officiers, ces thèses se soutiennent dans notre littérature militaire. La compagnie y est retournée sous toutes ses faces ; on l’envisage tour à tour comme unité administrative, comme centre d’instruction de la troupe, comme école de formation pour les cadres, comme pépinière et terreau de culture pour les gradés de la réserve, comme noyau de groupement et milieu d’absorption pour les réservistes. Selon qu’on s’attache davantage à l’un ou à l’autre de ces aspects, on conçoit des compagnies de tel ou tel type ; mais tous ces clichés se fondent en un seul, quand on en vient à la réalisation pratique. On s’aperçoit alors que la condition restée chez nous la principale, mais devenue chaque jour plus difficile, est de maintenir nos formations sur le pied de paix réglementaire.

Si ce desideratum simple pouvait être réalisé, tout le reste, — l’ossature du cadre, l’agencement réciproque des parties, leur subordination au commandement, — tout cela viendrait par surcroit. Mais la décroissance de nos contingens est continue : nous incorporions 224 000 soldats en 1910, et nous n’en incorporerons plus que 210 000 en 1920, que 195 000 en 1930. Remettons donc jusqu’à l’époque où la natalité française se sera relevée l’instant de disputer sur l’ordre ternaire et la subdivision du bataillon. Ce débat a quelque chose de frivole à l’heure où le danger de la dépopulation nous menace, et il pourrait paraître à l’étranger un moyen hypocrite de préparer la réduction de notre cadre, sous couleur de changer notre plan d’organisation. Disons donc franchement que cette question de réduction se pose, qu’elle est aujourd’hui la seule qui importe, et voyons si, par malheur, il faudrait y répondre affirmativement.

Plusieurs officiers l’ont pensé. Ils conseillaient de sacrifier, par exemple, les quatrièmes bataillons aujourd’hui détachés de leurs régimens et formés par groupes autonomes dans nos grandes places de l’Est. Ce sont justement ces groupes que le projet ministériel propose de constituer en dix nouveaux régimens, non pas par création, à proprement parler, mais plutôt par consolidation du nombre de nos bataillons. Or, ce n’est pas