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étroitement les unes aux autres par les liens logiques de l’organisation et de l’encadrement. Ces liaisons apparaissent quand on remonte par la pensée à quelques années en arrière et qu’on embrasse du regard tout le travail d’élaboration qui eut le projet ministériel pour aboutissement.


La première phase fut, naturellement, celle des spéculations théoriques et des discussions d’école. La composition de nos régimens se trouvant normalement fixée à trois bataillons, on raisonna de préférence sur cette dernière unité. On se demanda si sa subdivision en quatre compagnies de guerre de 250 fusils était bien la meilleure, ou s’il convenait de pousser le fractionnement plus loin, jusqu’à des sous-unités d’un effectif moins fort et d’un maniement tactique plus aisé ?

C’était revenir sur le problème organique examiné chez nous après 1870 et débattu alors avec tant d’abondance que beaucoup le considéraient comme épuisé. Cependant, la solution adoptée en 1875 s’était ressentie du prestige allemand au lendemain de la guerre, et elle n’était en définitive que la copie conforme du système adopté par nos vainqueurs. Depuis, nous avions eu de la peine à nous y faire. La lourdeur de la compagnie de 250 hommes étonne l’œil, quand par hasard on la voit évoluer en terrain varié. Ce spectacle trop rare, et qu’on ne peut avoir que dans les camps, à l’époque où nos régimens de réserve à l’effectif de guerre y sont rassemblés, fait plus que rompre chez nous des habitudes visuelles : il déconcerte aussi nos pratiques de manœuvre et nos réflexes professionnels. Le capitaine d’aujourd’hui, devenu chef de grande bande, est loin de ce centenier de Montluc, qui commandait à la voix tout son personnel. Ses sections se séparent à de grandes distances, à de grands intervalles ; leurs missions se précisent, se différencient, divergent quelquefois ; les garder toutes en mains, alors que leur autonomie leur devient nécessaire, n’est plus possible ; et cependant, son devoir de commandement empêche qu’il ne les abandonne tout à fait.

Il y a là un problème, lourd de tout temps pour la conscience française, et qui explique justement la légèreté relative de nos compagnies d’autrefois. Mais il n’est pas douteux que les autres armées ne l’envisagent à leur tour et que placées comme nous,