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Paris. L’Impératrice opposa une résistance résolue au renvoi du Cabinet ; elle répondit qu’une crise ministérielle en face de l’ennemi serait périlleuse et jetterait le pays dans les inquiétudes, au moment où il avait tant besoin de fermeté et de confiance. De plus, cette crise ferait croire à un désaccord entre le gouvernement et le Corps législatif, alors que l’union seule pouvait tout sauver. Qui sait d’ailleurs combien elle pourrait durer ? Et pendant ce temps, que deviendrait la préparation de la défense ?

Ces messieurs ripostèrent que la retraite du Cabinet était impérieusement commandée par l’opinion ; que, loin de retarder l’organisation de la défense, elle lui donnerait un nouvel élan ; qu’il n’y aurait pas de conflit entre les grands pouvoirs, pas même de crise, ni de temps perdu, et qu’un délai de vingt-quatre heures suffirait à composer un nouveau Cabinet. « Si vous croyez la mesure nécessaire, dit l’Impératrice, prenez-en la responsabilité. — Mais, Madame, s’écria dramatiquement Dalmas, si le jour de demain se lève sur ce Ministère, il y aura d’irréparables malheurs. — Rassurez-vous, monsieur de Dalmas, la Chambre n’a rien à craindre ; elle sera protégée, défendue au besoin et elle délibérera en toute sécurité[1]. »

A son retour au milieu de nous, l’Impératrice nous dit avec quelque embarras : « Je ne sais comment vous dire cela, car je

  1. On a raconté ainsi la démarche des députés : Une députation de tous les partis du Corps législatif se présenta pour parler à l’Impératrice. À ce moment, le Conseil était terminé et l’Impératrice entra, suivie des ministres, leurs serviettes sous le bras, dans le salon où se tenaient les dames et où le thé était servi. Elle se retourna, et, s’adressant à M. Emile Ollivier, elle lui offrit une tasse de thé. « Merci, Madame ; si j’ai soif, une de ces dames me donnera un verre d’eau. » Après quoi les ministres défilèrent devant la députation législative qui attendait leur départ pour demander leur renvoi. » Tout cela est mensonger d’un bout à l’autre. Le Conseil n’était pas terminé quand on annonça la députation ; la Régente n’est sortie qu’après nous avoir demandé notre agrément et elle est rentrée après avoir congédié les députés. Nous ne défilâmes pas devant eux. Brame et Josseau racontent dans leur déposition devant la Commission d’enquête sur les actes de la Défense Nationale, ce qui s’est réellement passé. Brame : « Au moment où nous arrivâmes aux Tuileries -10 heures du soir), l’Impératrice présidait le Conseil des Ministres, elle sortit aussitôt et nous reçut dans le salon voisin. » — Josseau : « Le 8 août l’Impératrice, qui présidait le Conseil des Ministres, sortit aussitôt pour recevoir la délégation vers dix heures du soir. Elle questionna, émue, mais ferme, chaque député sur son département. — Sur la question du renvoi du ministère Ollivier. elle opposa une résistance absolue, et, malgré l’insistance des membres de la délégation, ils la quittèrent sans avoir rien obtenu. » Quant à mon refus d’une tasse de thé, il est simplement ridicule. Si l’Impératrice m’en avait offert, ce n’est pas par une grossièreté que je lui aurais répondu.