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demandait à être relevé de cette situation mal définie. Il disait avec raison qu’un ministre intérimaire n’avait pas l’autorité de pourvoir aux difficultés et il ajoutait modestement que, dans les circonstances actuelles, il fallait attribuer ces hautes fonctions à un général ayant acquis aux yeux de l’armée et du pays une notoriété qu’il n’avait pas. Nous partagions cette façon de voir : quoique Dejean se fût montré administrateur vigilant, il était trop froid, trop méthodique et ne convenait pas à une crise qui requérait plus de flamme et de remuement extérieur. L’Impératrice et le Conseil prièrent Schneider de donner plus de force à ma démarche auprès de Trochu, si l’Empereur l’autorisait, en allant aussi offrir au général la place de Dejean au ministère de la Guerre.

A la fin de cette journée, si laborieuse pour tout le monde, j’envoyai à l’Empereur à Metz le rapport suivant : « L’état de l’opinion publique est excellent. A la stupéfaction générale, à une immense douleur ont succédé la confiance et l’élan. Le parti révolutionnaire lui-même est entraîné dans le mouvement. Un ou deux misérables ayant crié : Vive la République ! ont été saisis par la population elle-même. Chaque fois que la garde nationale sort, elle est acclamée. Ainsi n’ayez aucune inquiétude sur nous, et ne songez qu’à la revanche qu’il nous faut, dussions-nous faire tous les sacrifices. Nous sommes tous unis. Nous délibérons avec le Conseil privé dans le plus parfait accord. L’Impératrice est très bien de santé. Elle nous donne à tous l’exemple du courage, de la fermeté et de la hauteur d’âme. Nous sommes plus que jamais de cœur avec vous (7 août). »

On a raillé l’optimisme de ce rapport. Il est cependant d’une parfaite exactitude sur tous les points essentiels. L’union des ministres, leur attitude, la contenance de l’Impératrice sont dépeints sans aucune exagération. Je voudrais montrer à l’histoire les ministres autour de la table du Conseil, calmes, fermes, stoïques, n’entendant ni les divagations des trembleurs, ni les sifflemens de l’envie prête à se repaître, ni l’exaltation de la haine en fête, ne s’occupant pas des complots qui s’ourdissent contre leur position, mais uniquement de ceux dirigés contre la sécurité de l’Etat, affligés de la douleur qui se raidit contre les malheurs et les brave, et non de celle qui gémit ou s’effare, recherchant sans trouble ni surexcitation les moyens de pourvoir à la multiplicité des sollicitudes urgentes. Je voudrais, au