Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/470

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les fantoches dont s’amusait M. Beaunier. L’œuvre, d’ailleurs si intéressante, porte la trace de cette divergence.

Le rôle de Ravardin est joué excellemment par M. Huguenet. Il est impossible d’y apporter plus de verve, de rondeur, de bonhomie. Peut-être, après tout, le plaisir que nous a fait l’interprète a-t-il contribué à rendre le personnage lui-même moins odieux. Au contraire, le rôle de Gisèle Prieur a été plutôt desservi par Mme Jane Hading. M. Gauthier est le parfait socialiste homme du monde. Et M. Bour s’est composé une bonne figure de vieux confident paterne et un peu sot.


Le Japon est à la mode. Il l’est depuis ses récentes victoires. Pour mettre un peuple à la mode, rien ne vaut les succès militaires. Au début de la saison, le théâtre nous avait présenté le Japon moderne, dans une pièce fort originale et curieuse où l’on voyait bien que la gloire du Japon est de s’être lancé à toute vapeur dans la voie du progrès. Voici, pour finir la saison, une pièce sur le vieux Japon, où l’on voit bien que l’honneur des Japonais est d’avoir derrière eux un long passé d’héroïsme et de fortes vertus traditionnelles. La pièce de M. Paul Anthelme très claire, très bien découpée, regorgeant de sentimens nobles et barbares, et d’ailleurs encadrée de fort beaux décors, est éminemment instructive, donnant également satisfaction à l’esprit, au cœur et aux yeux.

M. Paul Anthelme a travaillé d’après une légende ancienne, fameuse au Japon, et qu’il a très habilement transposée. Le prince d’Osaka est complètement ruiné. Son château, où on nous introduit au premier acte, est le château de la misère. Pour tâcher de relever sa fortune, il a l’idée de s’adresser à un haut fonctionnaire de l’Empire, le prince Sendaï, et de lui envoyer un présent, en vue de se concilier ses bonnes grâces ; car il en a été ainsi de tous les temps, même dans les temps héroïques, et un vieux proverbe nippon dit qu’on ne prend pas les mouches avec du vinaigre. Il envoie un éventail signé de l’artiste en renom. L’idée n’était pas mauvaise. Seulement, il y avait au Japon, dès ces époques reculées, des fabriques de faux. Et cela doit nous rendre fort sceptiques à l’endroit de certaines pièces de collections, peut-être parmi les plus réputées. C’est bel et bien un faux qui arrive chez le prince Sendaï, quelque chose comme la tiare de Saïtaphernès ou comme le reliquaire de Soudeilles. Le vieux Japon n’avait pas pour ces sortes de mystifications la même indulgence que l’administration française. C’est pourquoi le prince Sendaï entre dans une grande colère à laquelle le prince d’Osaka répond par des voies de fait. Coups