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des officiers de mérite, mais l’enseignement qu’on y donne ne suffit pas à faire ces victorieux. La guerre n’est pas seulement une science, c’est un art. L’inspiration personnelle instinctive fait les grands hommes de guerre plus que les études théoriques. « Ce n’est ni par la façon de s’armer, a dit Polybe, ni par celle de se ranger qu’Annibal a vaincu, c’est par ses ruses et sa dextérité... Dès que les troupes romaines eurent à leur tête un général d’égale force, elles furent aussitôt victorieuses. »

Napoléon a exprimé la même idée : « Même les institutions les mieux réglées ne suffisent pas à assurer la victoire. Quelque chose qu’on fasse, quelque énergie que montre le gouvernement, quelque vigoureuse que soit la législation, une armée de lions commandée par un cerf ne sera jamais une armée de lions. »

L’enseignement technique, quelque excellent qu’il soit, demande à être enflammé par une grande éducation patriotique. Le victorieux est un homme de métier, mais il a été porté par les souffles inspirateurs de la vertu civique, de l’amour désintéressé de la patrie, nourri de la vivifiante sève de l’idéal national. Si les généraux et les officiers du roi Guillaume se sont montrés si extraordinairement entreprenans, tenaces, héroïques, ce n’est pas seulement (à cause de leur bonne éducation spéciale, c’est que vibraient en eux les aspirations ardentes de leurs poètes et de leurs penseurs, qu’ils étaient soutenus par la coopération passionnée de souhaits et d’amour de tout leur peuple, et qu’ils sentaient que dans pas un cœur allemand il n’y avait un battement qui ne fût pour leur triomphe.


EMILE OLLIVIER.