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REVUE DRAMATIQUE


Porte-Saint-Martin : La Crise, comédie en trois actes par MM. Paul Bourget et André Beaunier. — Odéon : L’honneur japonais, pièce en cinq actes par M. Paul Anthelme. — Comédie-Française : Reprise de Sapho, pièce en cinq actes par Alphonse Daudet et Ad. Belot.


La pièce nouvelle que M, Paul Bourget vient de nous donner, en collaboration avec M. André Beaunier, est très différente de celles qu’il avait fait représenter jusqu’ici. Au premier abord, elle semble à peine ressortir à la formule habituelle de son théâtre. Car il y a un théâtre de M. Paul Bourget. Et le fait qu’un écrivain venu tard au genre dramatique ait su le marquer si vigoureusement à son empreinte est bien digne de remarque. Il atteste une variété de ressources, une faculté de renouvellement, à laquelle il est impossible de ne pas rendre hommage. Depuis le début de sa brillante et si féconde carrière, M. Bourget a été visiblement préoccupé par le souci de faire entrer dans son art un nombre toujours plus grand d’élémens empruntés à la vie. Critique et psychologue, il a commencé par l’étude abstraite du cœur humain. Ses premiers romans étaient encore des études de psychologie, mais concrètes et comme illustrées par un exemple. Dans ces romans ténus et subtils, il excellait à résoudre, comme un problème de mécanique, les complications de certaines âmes très modernes, raffinées et malades. Peu à peu, il s’apercevait que toute enquête sur notre nature n’est que le plus vain des amusemens, si elle n’aboutit pas à une conclusion morale. Il comprenait d’ailleurs que l’individu se fait illusion quand il croit trouver en lui seul le mot de sa propre énigme ; chacun de nous tient étroitement à son milieu et porte en soi l’héritage de ceux qui l’ont précédé : à l’inverse d’un mot fameux, on pourrait dire que toute question de morale est une question sociale. Ainsi, et par le