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dans l’ensemble. C’est une chose qui fera grand effet dans un parc et, parce qu’elle ne vise pas du tout au trompe-l’œil, ne fatiguera jamais le promeneur. Dans les limites de ses ambitions, M. Gardet réalise cette chose si rare aujourd’hui, en décoration : la convenance de l’objet à sa destination, et, par là, il atteint une manière de grand art.

M. Perrault-Harry, lui, a serré de plus près la vraisemblance dans une sorte de fontaine intitulée la Mort du Cerf. Son œuvre nous met sous les yeux une scène de chasse prise sur le fait. Le cerf est sur ses fins : il git, épuisé au bas d’une grotte, qui se couronne de toute la meute hurlante, dans une diversité de mouvemens, spirituelle, vivante, où les amis des chiens reconnaîtront leur habituelle mimique. Le mouvement du cerf, lui aussi, très juste et très particulier, exprime admirablement l’angoisse de la pauvre bête. Rien, dans toute cette composition, n’est superflu ni banal..

A voir le périmètre qu’occupent toutes ces fontaines ou tous ces bassins, celui de M. Gardet, celle de M. Perrault-Harry, celles de Mlle Janet Scudder comme aussi la monumentale Fontaine de Clémence Isaure, de M. Laporte-Blairsy, on peut espérer que la sculpture française va résolument entrer dans une voie depuis trop longtemps abandonnée : la décoration des jardins. Une initiative nouvelle due à M. Pierre Roche l’y invite : c’est la création, au Salon de l’avenue d’Antin, d’une section particulière intitulée Sculpture et décor de jardins, et contenant des jardinières, des cadrans solaires, des puits, des « lanternes, » des pigeonniers, des termes, des bassins. Des œuvres comme celle de M. Gardet, aux Champs-Elysées, montrent que l’idée est féconde et que nos artistes, aussi bien que ceux du XVIe ou du XVIIIe siècle, sont capables d’animer de belles figures les cours d’honneur, les terrasses et les parcs de notre pays. Il est vrai que cela ne dépend pas des seuls artistes. Cela dépend aussi des châtelains. Il faut qu’ils estiment un beau parc à l’égal d’un bibelot d’étagère et le plaisir de cheminer entre des formes augustes, parmi les massifs, aussi enviable que de manier un ivoire ou un émail ancien, souvent fort laid, mais unique ou prétendu tel. Voici, par tout le Salon, des œuvres évidemment destinées à être mises en plein air. Il semble donc que sur ce point l’éducation du public se fait.

Et voici, enfin, les Bœufs, les six bœufs énormes, que