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guère vu pareille entrée de fantaisie dans notre imagerie française, ni depuis Gustave Moreau pareil sens du mystère. Ce sont bien là, de ces images dont parlait Gavarni, celles qu’il « faut montrer à l’homme quand la réalité l’ennuie. »


II

Ces œuvres d’imagination mises à part, quelle est la caractéristique des Salons de 1912 ? Un seul coup d’œil suffit pour le démêler : c’est, au Salon de l’avenue d’Antin, la prédominance des étrangers et, au Salon des Champs-Elysées, la prédominance des portraits.

D’abord, celle des étrangers. Quand un Français se promène dans quelque exposition, hors de France, dans celle de la Royal Academy par exemple, il est frappé de la supériorité des nôtres. Il y a pour cela bien des raisons, mais une des plus fortes est que les nôtres sont remplies de ce qu’il y a de meilleur à l’étranger. Avenue d’Antin, cette année, le phénomène a de quoi frapper les plus inattentifs. Si l’on ouvre le livret, on aperçoit qu’un bon tiers des exposans est venu de Londres ou de Cincinnati, à moins que ce ne soit de Bucarest, de Lemberg ou d’Okoyama. Si l’on ouvre les oreilles, on entend tous les dialectes du globe mis à contribution pour trouver l’épithète qui qualifie dignement la Pénélope de M. Bourdelle ou le Persée de M. Courtois.

Mais ce n’est point par le nombre seul que les étrangers règnent a la Société nationale : c’est par le talent. Cette année où tant de maîtres français se sont abstenus, où ni M. Agache, ni M. Jacques Blanche, ni M. Cottet, ni M. René Ménard, ni M. Simon n’ont exposé, le Salon de l’avenue d’Antin serait presque vide sans la présence des artistes d’outre-mer. Si l’on en ôtait l’admirable portrait de Miss Kitty Shannon, par M. Shannon (salle VI), celui de M. Anthony Hope Hawkins, par M. Glazebrook (salle XVI), celui d’un sportsman intitulé Automne, par M. Bowie (salle XV), celui de M’"‘Agnès Nicholls, par M. Harold Speed, ou même ceux de M. Boldini, de M, Lavery, de M. La Gandara, et la Duchesse de Rohan de M. Laszlo, — qui assurément ne marquent aucun progrès chez leurs auteurs, mais suffisent encore à attirer l’attention, — et si l’on retranchait encore les merveilleux Intérieurs signés Walter Gay (salle XI), les mythologies signées Glehn, les sinistres choses d’Espagne signées