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Forbach, il s’en remet à son discernement du soin des mesures à adopter ; en investissant Mac Mahon du commandement de l’armée d’Alsace, il le laisse libre d’agir comme il lui conviendra d’après ses propres lumières.

Si le chef suprême n’ordonne pas ou ordonne mal, l’armée obéissante s’effondre, tandis que l’armée d’anarchie, même en ce cas, se tire plus ou moins d’affaire puisque tout le monde y commande.


VIII

Nul doute que, dans ces premières batailles, il n’y a pas eu dans l’armée française le même élan offensif qui déborde de toutes parts dans l’armée prussienne, depuis le simple soldat jusqu’au général. Mais ne mettez pas de la doctrine en ceci et ne venez pas nous dire que nous avions abandonné nos vieilles règles d’offensive et que nous étions rangés à celles de la défensive. Dans tous les cas, cette conversion eût été bien récente, car un de nos adversaires les plus illustres, qui avait intérêt à bien pénétrer notre manière de combattre, le prince Frédéric-Charles, a dit en 1869 : « La tactique des Français consiste simplement à ce que le soldat marche toujours en avant. La forme sous laquelle le mouvement s’exécute leur est indifférente. Cette forme se trouve, et elle diffère, suivant les fautes de l’ennemi. Ils ne se défendent jamais passivement ; là où d’ordinaire une troupe garde la défensive, les Français agissent offensivement. La véritable manière de triompher de cette tactique des Français est de se l’approprier. Qui donc veut vaincre doit donner de l’avant[1]. »

Niel avait, il est vrai, eu le tort de recommander à nos chefs de se placer d’abord sur la défensive tactique, afin de se protéger contre les effets meurtriers des armes à chargemens rapides, mais il avait en même temps expliqué que cette attitude ne devait être que le préalable momentané, très court d’un passage à l’offensive ; ses instructions, qu’on ne doit pas assimiler au règlement de 1869, n’étaient nullement obligatoires et n’avaient point pénétré dans l’esprit de l’armée : « Au début de la campagne de 1870, l’idée de la défensive n’existait pas, » dit le général Derrécagaix.

  1. Tactique.