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Les tribus berbères, qui formaient à l’arrivée des Romains l’ensemble de la population du Maroc, étaient nomades. Strabon le dit expressément : « Bien qu’habitant un pays généralement fertile, les Maures ont conservé jusqu’à présent les habitudes de la vie nomade ; » mais il y avait entre les tribus du Nord et celles du Sud une différence de degré. Les Gétules du Sud Marocain, — Hauts Plateaux et Sahara, — peuplades de pasteurs, étaient, comme ils le sont encore aujourd’hui, des nomades au sens complet du mot. Les Maures du Nord, au contraire, sans être absolument des sédentaires, n’étaient plus que des demi-nomades. L’agriculture avait fait chez eux de grands progrès. « Sans cesser d’être d’excellens chasseurs, dit encore Strabon, ces peuples ont acquis en agriculture la même supériorité qu’ils avaient déjà dans l’art de la chasse. » Les princes berbères, particulièrement Massinissa en Numidie, avaient de toutes leurs forces poussé à cette transformation qui représentait pour eux une augmentation de richesse et un surcroit de sécurité. Les Romains poursuivirent cette politique de fixation au sol. Il faut reconnaître d’ailleurs qu’ils ne réussirent qu’imparfaitement. Les tribus marocaines n’abandonnèrent jamais complètement les habitudes séculaires, qui représentaient à leurs yeux un passé d’indépendance et un reste de liberté.

Le gouvernement romain a toujours vu dans la création des grandes voies un des moyens les plus puissans de pacification et de romanisation. C’est la pensée qui l’a guidé au Maroc comme ailleurs. Nulle part, il faut le dire, cette œuvre de pénétration n’était plus indispensable que dans ce pays de légendes, volontairement fermé pendant des siècles aux influences civilisatrices du dehors. Tanger était la tête du réseau routier marocain. Deux routes en partaient, la première le long du littoral Atlantique, la seconde vers l’intérieur. La route du littoral, longue au total de 174 milles (257 kilomètres), se confondait tout d’abord avec la piste actuelle de Tanger à Arzila, l’ancienne colonie de Zilis, puis, par la station de Tabernæ (Lella Djilaliya), gagnait le port important de Lixus (Larache). Plusieurs débris de ponts romains, jetés au passage des oueds, notamment près d’Arzila, en jalonnent encore le parcours. Au Sud de Lixus, la route abandonnait le littoral, atteignait l’oued Sebou à la station de Banasa (Sidi Ali Bou Djenoun), en suivait la rive droite jusqu’à Thamusida (Sidi Ali Ben Ahmed), pour