Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/434

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Maîtres du Maroc, les Romains ne se sont pas donné pour tâche de romaniser et d’assimiler les indigènes. Avec leur sens pratique et l’expérience que leur avait donnée le contact de cent peuples divers, ils se rendirent compte très vite, — c’est un fait que nous sommes appelés à vérifier chaque jour davantage, — que le Berbère n’était assimilable que dans une mesure fort restreinte. Mais, au moins, voulaient-ils pacifier le pays, l’exploiter d’une manière systématique et le faire entrer dans cette vie générale méditerranéenne dont la création a été l’un des titres de gloire les plus éclatans du régime romain. Les moyens les plus efficaces que Rome ait trouvés à cet égard, ont été le développement de la vie urbaine, la fixation des populations indigènes, la création des routes.

Les centres urbains étaient très rares au Maroc lorsque les Romains prirent pied dans le pays. Pline nous dit qu’à son époque, les indigènes ne possèdent presque que des réduits fortifiés, castella. Les seules villes notables étaient les anciennes colonies phéniciennes du littoral, Rusaddir (Melilla), Lixus (Larache), surtout la capitale, Tanger, et encore le géographe Pomponius Mela fait-il remarquer que l’importance de ces villes était toute relative. Dans ce pays-si difficile d’accès, si fermé aux étrangers, parcouru par des tribus encore nomades, les villes avec leur population sédentaire, leurs colonies de fonctionnaires et de commerçans européens, leur garnison permanente, devaient être les foyers naturels de la romanisation. Aussi les Romains développèrent-ils les villes existantes et en créèrent-ils de nouvelles. Les plus considérables furent érigées eu colonies : ce fut le cas de Zilis, colonia Julia Constantia (Arzila), de Rabba, colonia Julia Campestris, sous Auguste ; de Tanger et de Lixus, sous Claude ; de Banasa (Sidi Ali Bon Djenoun, sur l’oued Sebou), dès le Ier siècle ; de Volubilis, la métropole du Djebel Zerhoun, au IIe ou au IIIe siècle. D’autres villes, sans s’élever au rang de colonies, ont joué un rôle analogue ; Tamuda (Tetouan), près de la côte méditerranéenne, Sala, sur le littoral de l’Atlantique, ville forte et port important, Thamusida, sur l’oued Sebou, Tocolosida, au Sud de Volubilis, et, d’une manière générale, toutes les stations des routes romaines qui constituaient, disséminées au milieu du pays, autant de centres d’où rayonnait à la ronde l’influence civilisatrice de Rome.