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Paulinus n’était pas seulement le raid d’un général conquérant ; elle fit époque, au point de vue géographique, dans l’histoire de la découverte du Maroc, et Pline, avec sa curiosité inlassable, en a rapporté quelques détails. Il nous parle avec admiration des forêts épaisses et profondes qui occupent les premières pentes de l’Atlas, des neiges perpétuelles qui en couvrent le sommet et des déserts brûlans, au sol de sable noir, parsemés par intervalles de rochers à l’apparence brûlée, qui annoncent vers le Sud les solitudes inhabitables du Sahara.

L’audacieuse expédition de Suetonius Paulinus porta un coup décisif à la rébellion, mais les peuplades marocaines étaient tenaces. Plusieurs campagnes furent encore nécessaires pour les réduire. Le chef d’une tribu maure, Salabus, ancien partisan d’Ædemon, dirigeait la résistance. Un nouveau général romain, Hosidius Geta, le battit et repoussa les débris de ses troupes dans le désert. A la suite de ce succès, la région marocaine se trouvait à peu près pacifiée. En 42, l’empereur Claude renonça à la politique de protectorat et reprit, cette fois, d’une manière définitive, la tentative de gouvernement direct déjà esquissée par Auguste. La Maurétanie, conformément à ses traditions séculaires, fut divisée en deux provinces séparées par la limite naturelle de la Moulouïa : la Maurétanie Césarienne (départemens d’Alger et d’Oran), à l’Est ; la Maurétanie Tingitane, le Maroc actuel, à l’Ouest.

La mesure prise par Claude n’était pas l’effet d’un caprice. L’annexion était devenue nécessaire ; l’habile politique de empereurs l’avait rendue possible. Le gouvernement du rois Juba, en faisant connaître au pays la prospérité et le bien-être qui partout étaient un effet de la paix romaine, avait préparé les indigènes à l’inévitable et graduellement amorti leur force de résistance. Rome enfin, et c’était l’essentiel, venait d’affirmer sa supériorité militaire par trois années de campagnes victorieuses. Le décret de Claude venait à son heure ; l’œuvre romaine au Maroc apparaissait dès lors comme réalisable. Il convient maintenant d’en étudier la nature et d’en préciser les résultats.


II. — LE MAROC ROMAIN

Relevons tout d’abord un fait essentiel : l’action romaine au Maroc s’est exercée sur un terrain beaucoup plus restreint que