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d’Octavien, Agrippa, enlevait la place. Bogud, fait prisonnier, était mis à mort sans autre forme de procès, triste fin d’un souverain marocain dépaysé dans les affaires européennes et égaré dans les luttes de partis.

Bocchus II, débarrassé de son rival, réunit sous sa domination toute la Maurétanie, de Bougie à la côte de l’Atlantique. L’ancienne capitale marocaine, Tanger, fut abandonnée pour la ville d’Yol (Cherchell, à l’Ouest d’Alger). Mais, dès ce moment, l’indépendance marocaine n’est plus qu’un vain mot. Bocchus règne en fidèle vassal d’Octavien à qui il doit tout et de Rome contre laquelle il ne peut rien. À sa mort, en l’année 33, Octavien, renonçant au système du protectorat, annexait le pays qu’il faisait administrer directement par un procurateur. Toute l’Afrique du Nord devenait ainsi partie intégrante de l’État romain.

L’expérience ne fut pas heureuse. Les indigènes, surtout ceux du Maroc, systématiquement et violemment hostiles à toute immixtion étrangère, virent d’un fort mauvais œil le gouvernement de Rome et les agens qui le représentaient. Peut-être aussi les fonctionnaires romains manquèrent-ils de doigté vis-à-vis d’une population aussi susceptible et dans un pays où ils avaient tout à apprendre. Toujours est-il qu’on vit surgir bientôt de graves difficultés. Auguste, avec ce sens de l’opportunité qui était une de ses qualités maîtresses, se rendit compte qu’il avait été trop vite, et qu’au Maroc comme ailleurs, plus qu’ailleurs encore, il fallait laisser agir le temps. La tentative d’annexion avait duré huit ans. L’Empereur eut la sagesse d’y renoncer pour en revenir au système du protectorat qui pendant soixante-dix ans avait fait ses preuves.

Le principe une fois admis, il fallait trouver un roi à qui l’on pût confier le gouvernement du pays, et le choix était extrêmement délicat. Le candidat idéal devait en effet réunir des qualités différentes et quoique peu contradictoires : être assez souple pour faire prévaloir les vues de Rome, assez populaire auprès de ses administrés pour leur inspirer confiance. Heureusement, ce personnage rêvé, Auguste l’avait sous la main et sur place ; c’était le roi de Numidie, Juba II. Juba était le fils de ce roi Juba qui avait combattu César en Afrique et s’était donné la mort après la bataille de Thapsus pour ne pas tomber aux mains du vainqueur. Son fils, encore enfant, fut emmené