Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/417

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les uns tombent percés ; d’autres ont la tête coupée. Un grand nombre, tandis qu’ils combattent vaillamment devant eux, sont entourés par derrière. Le courage, les armes sont d’un faible secours contre un ennemi plus nombreux, qui les entoure de tous côtés. Enfin les vétérans romains, avec les nouvelles recrues que leur exemple met au fait de la guerre, se forment en cercle partout où le terrain ou le hasard les réunit et, grâce à cette manœuvre qui les abrite et leur permet de faire face de toutes parts, ils soutiennent le choc des ennemis... Les Barbares, allumant un grand nombre de feux, passent la nuit à se réjouir à leur manière ; c’étaient des danses, des cris tumultueux. Les chefs eux-mêmes sont ivres d’orgueil et, pour n’avoir pas fui, se croient vainqueurs. » (Salluste.) Substituons au consul Marins tel de nos chefs de détachement ; donnons aux Maures leur nom moderne de Cherarda, de Béni Ahsen ou de Zaër et nous croirons lire le récit d’un combat livré à nos troupes par les tribus de la frontière algéro-marocaine ou les peuplades de la Chaouia. Le triomphe des Marocains devait d’ailleurs être éphémère. Marius les surprend le lendemain matin, au moment où ils succombent au sommeil, en fait un grand massacre et met les autres en fuite.

La cavalerie maurétanienne avait seule donné dans ce premier combat. Bocchus, dont l’infanterie vient d’arriver, tente une seconde surprise. Elle échoue, comme la première, devant la solidité des troupes romaines. Le Roi, s’apercevant qu’il n’est pas le plus fort, fait alors de salutaires réflexions. Il négocie avec Marius et offre d’envoyer une ambassade à Rome auprès du Sénat. Versatile comme il l’est, il revient un instant à Jugurtha, puis renoue les pourparlers avec le général romain et se décide enfin à faire partir l’ambassade promise. Le Sénat répondit à ses envoyés qu’on lui accorderait un traité d’alliance lorsqu’il l’aurait mérité. C’était lui dire à mots couverts qu’il eut à livrer Jugurtha. Bocchus flotta longtemps indécis, au vent de ses intérêts, de ses passions et de ses craintes. « La passion, dit Salluste, lui parlait contre nous, mais la crainte en notre faveur. » Il faisait parvenir à Jugurtha les assurances les plus formelles de loyalisme et affectait, dans les pourparlers officiels, de soutenir énergiquement ses intérêts ; mais, en même temps, il poursuivait une négociation secrète avec Sylla, qui était venu défendre auprès de lui la politique romaine. Il le vit la nuit,