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Le pouvoir des papes lui redonnait les richesses qu’il avait eues au temps des Césars ; et l’on s’explique fort bien qu’il n’ait eu aucune raison de se plaindre et de chercher d’autres formes sociales et un art nouveau.

Mais le jour où cet art sortit de Rome et de l’Eglise pour se transporter dans un milieu purement aristocratique, quand la construction d’un Palais tel que celui de Versailles se substitua à celle d’un Saint-Pierre, et quand l’art ne fut plus au service que d’une infime minorité de la nation, le jour où le peuple n’en jouit plus et où, par une singulière transformation, il dut en faire tous les frais, on sent combien il s’en désintéressa : il ne pouvait que prendre en haine un art qui n’était fait que de ses misères.

Au XVIIIe siècle, en France, la société était devenue si sensuelle, si immorale, qu’une profonde réforme s’imposait. Une société est bien déchue lorsque son idéal artistique se limite aux libertinages d’un Boucher et d’un Fragonard. Les esprits les plus éminens signalent le danger ; les philosophes s’indignent avec toute leur énergie, et, avant de voir le régime sombrer sous le couperet de la guillotine, longtemps avant les jours de la Révolution, un état social s’esquisse, et un art nouveau est là qui nous dit les désirs et la soif de réformes de cette époque si inquiète.

L’art va être comme une manifestation de tout ce que réclamaient un Jean-Jacques Rousseau et les philosophes de l’Encyclopédie ; on pense qu’il faut renoncer à un état social antinaturel, à un luxe qui est une injustice, à un art qui n’est fait que pour satisfaire les caprices d’un monde blasé, et qui perd de vue la nature. Et le mot nature est celui que l’on rencontre partout, c’est le mot qui va tout diriger et qui semble devoir apporter les remèdes et le salut. La simplicité, la logique, la conformité aux lois naturelles, vont se substituer aux excès de richesse, à l’illogisme, à toutes les folies inventives.

Et par là, on voit que le nouveau style, que l’on a justement appelé néo-classique, se rapproche du style de la Contre-Réforme : ce sont les mêmes idées directrices, et l’on a depuis longtemps constaté que l’art français de la fin du XVIIIe siècle, rompant avec le style Louis XIV et Louis XV, se rattachait à l’époque Louis XIII.

Il faut remarquer que, dans toutes les évolutions de style qui se sont produites depuis la réapparition des formes antiques, il y eut des variations et même des changemens profonds de pensée, sans que l’on ait eu l’idée que l’on pouvait abandonner