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du Christ, la pensée chrétienne s’adresse aux saints qui, ayant connu comme nous les misères de la vie, semblent devoir être plus indulgens pour nos fautes et devenir de plus compatissans interprètes près du juge céleste. Il est intéressant de remarquer l’évolution qui eut lieu au cours des siècles dans la représentation des figures religieuses, et qui va, du Christ du XIIe siècle, aux Apôtres et aux Prophètes du XIIIe aux Vierges du XVe et enfin aux Saints du XVIIe siècle.

Le Bernin n’a sculpté qu’une seule Madone, celle qui fut faite pour les Carmes de la rue de Vaugirard à Paris et qui est aujourd’hui à Notre-Dame. C’est dire avec quel intérêt nous devrions étudier, au lieu de la laisser dans l’oubli, une pièce si capitale dans l’œuvre du Maître.

Au Bernin, dans ses recherches d’un art si expressif et parfois si violemment dramatique, il fallait des moyens nouveaux, et il sut admirablement les trouver : il fallait représenter le mouvement, le geste instantané, la mobilité incessante de la vie : il fallait ces qualités qui sont les facultés maîtresses de l’artiste, la faculté d’observer et de retenir, de créer l’œuvre d’art sans être obligé d’avoir recours au moyen si facile, mais si faux de l’emploi du modèle, sans être obligé de lui demander une immobilité qui est la destruction même de toute vie et de toute expression naturelle. « Un homme n’est jamais aussi semblable à lui-même que lorsqu’il est en mouvement, » disait le Bernin qui, en sculptant le buste de Louis XIV, ne demanda jamais une pose immobile.

Ces recherches de mouvement vrai conduisirent le Bernin à créer une manière toute spéciale de traiter les draperies. Après les draperies mouillées si souvent employées par les Grecs, après les draperies disposées sur des mannequins qui furent adoptées par les sculpteurs florentins de la fin du XVe siècle, après les draperies collant sur la chair qu’affectionnait Michel-Ange pour mieux faire apparaître l’anatomie des corps, viennent les draperies du Bernin, qui renonce à tous ces moyens factices pour lutter avec la réalité elle-même et pour donner à nos yeux non seulement la sensation d’une véritable draperie, mais celle d’une draperie en mouvement. S’il échoua parfois dans ces recherches, s’il se laissa entraîner, par sa science, à une trop grande surcharge de plis, il eut de merveilleuses réussites, et il suffit de citer la Sainte Bibiane, les Vertus de l’Inscription