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mettre Paris à la raison. Je finirai par mettre la main sur ces messieurs, et les envoyer à deux cents lieues. J’ai dormi pendant quinze jours. J’ai voulu voir comment Paris se gouvernait tout seul ; ça commençait à aller pas mal. J’ai dormi quinze jours, mais le lion se réveillera. Je frapperai, et je frapperai juste. Je n’ai pas accepté l’Empire sur l’avis de la ville de Paris qui change d’intérêt et d’opinion deux fois du matin au soir, mais c’est sur le vœu des départemens, de l’armée et de toute la France. Les Parisiens ont fait voir leur regret que la conspiration n’ait pas réussi. Ils prennent la défense de Georges. Ils sont fâchés qu’on ne m’ait pas tué ! »

(Murmure général. Tous les membres se récrient sur l’injustice de cette opinion. Plusieurs membres ajoutent que les rapports qu’on fait à l’Empereur sont exagérés.)

L’EMPEREUR. — « M. P…, M. B… ! Ce sont des boute-feux ! Ils répandent l’argent dans le peuple pour le séduire. Ce sont des gens à p… dessus[1] ! »

Le PRÉFET DE PARIS engage son honneur pour M. P…

L’EMPEREUR. — « Si j’ai jamais eu la folie de croire à l’attachement des Parisiens, j’en suis bien revenu. Au reste, ils ont toujours été de même et n’ont jamais aimé personne. N’est-il pas honteux qu’on dise partout aujourd’hui que Pichegru a été étranglé dans sa prison ? »

Le PRÉFET DE LA SEINE dit qu’il faut l’attribuer aux diverses proclamations déplacées dans les circonstances, s’il ose se servir de cette expression, et qui n’étaient faites que pour accréditer ces bruits, loin de les étouffer.

L’EMPEREUR. — « Le préfet de la Seine ne devrait pas souffrir que de tels bruits se répandent. N’est-ce pas à lui à diriger l’opinion de la ville de Paris ? Ne pouvait-il pas rassembler chez lui les chefs de corporations pour éclairer leur opinion. »

Le PRÉFET DE PARIS dit que ce serait donner un fondement à ces bruits que de les traiter d’une manière si importante.

L’EMPEREUR. — « Je ne crains rien tant que je serai à Saint-Cloud ou aux environs. Ne dit-on pas encore qu’on se bat à Boulogne,

  1. Voici comment Pelet de la Lozère rapporte de façon plus réservée ces paroles un peu rudes :
    « On m’a fait faire de mauvais choix pour le conseil municipal ; je sais qu’un de ses membres, M. P…, a répandu de l’argent lors du procès de Moreau. Il n’est rien qu’on ne fasse pour indisposer la capitale contre moi. »
    (Opinions de Napoléon, page 86.)